Après la parenthèse impersonnelle de The Gingerbread man, Robert Altman revient en grande forme avec Cookie’s fortune. L’action du film se situe à Holly Springs, une petite bourgade du sud des États-Unis dont Cookie (Patricia Neal) est l’une des patriarches les plus appréciées. Cohabitant harmonieusement avec le serviable et truculent Willis (Charles S. Dutton), Cookie ne peut toutefois se remettre de la mort de son mari. Elle met alors fin à ses jours, au grand désespoir de sa nièce Camille (Glenn Close), une vieille fille disjonctée et « théâtreuse » (elle met en scène pour la ville une adaptation quelque peu expurgée de la Salomé d’Oscar Wilde). Cette dernière considère en effet ce suicide comme une honte pour sa famille et le maquille en meurtre à l’aide de sa très malléable sœur Cora (Julianne Moore). Willis est alors accusé du crime, bien que soutenu par Emma (Liv Tyler), la fille nomade et rebelle de Cora.
Comme tout film altmanien qui se respecte, Cookie’s fortune met en scène quelques autres figures bien typées : un jeune flic de pacotille, un avocat qui pratique la pêche à la ligne avec certains de ses clients, en passant par le tenancier monolithique et la plantureuse chanteuse du bar de la ville. Si le genre du « film choral » est très prisé par Altman (Short cuts ou Prêt-à-porter), le cinéaste, tout en en conservant la structure, abolit dans Cookie’s fortune la distance cynique et critique qui limitait l’envergure des personnages de ses derniers films. En adhérant à la philosophie hédoniste de ses héros sans pour autant condamner véritablement le camp adverse (voir le touchant travelling avant sur une Julianne Moore en pleine révolution intérieure), Altman accède à la sitcom humaniste, forme mineure cinématographiquement parlant, mais ô combien jubilatoire. Car si le film ne commence à exister qu’après la mort d’une Cookie empesée par son passé poussiéreux, l’heure et demie restante est un festival de situations hilarantes et de performances d’acteurs (dont se détache Julianne Moore, au-dessus de tout et de tous, comme à son habitude). Cookie’s fortune baigne ainsi dans la sérénité la plus totale : Altman fait fonctionner un microcosme dont il est amoureux et transmet mieux que quiconque son bonheur. Simplement. Mais avec grâce.