Le polar français du XXIe siècle se plait toujours à patauger dans son liquide amniotique télévisuel, au réalisme plus Justin Bridou que Michael Mann. Après Olivier Marchal, leader de cette improbable nouvelle Nouvelle Vague, son disciple Franck Mancuso, ancien flic élevé au Commissaire Moulin, la joue encore plus modeste. Contre-enquête voit Jean Dujardin en Serpico du 92 rouvrant l’affaire de l’assassin de sa fille, l’auteur présumé lui assurant par courrier que juré craché, c’est pas lui qu’a fait le coup. Sa femme l’engueule (« pourquoi tu m’as rien dit ? »), boss et collègues le raisonnent (« tu te détruis, mec »), sans succès.
Et le film de se dissoudre un peu plus à chaque figure imposée, dans un raplaplasme pas désagréable mais à la longue totalement pathétique. Questions de temps, de format, voire de mégalomanie coincée derrière l’humilité faussement tranquille : contre-emploi dujardinesque, pirouette finale, détails croustillants tous piqués à Christophe Hondelatte -même minable, le film n’avance pas facile. Franck Mancuso fait du cinéma coincé. Son hémisphère droit aimerait jouer à l’américain, (ou comment se draper dans une gravité portraiturée, nourrir l’imaginaire de faits divers mythiques) pendant que l’hémisphère gauche flatte l’esthétique chemise bleue-képi, le réalisme soft (dialogue, jeu, comédiens du terroir), la sociologie franchouillarde, ses banlieues pavillonnaires et ses grandes baraques de campagne.
Le tueur présumé, un Francis Heaulme en caoutchouc dont on égrène les exploits sordides (du vrai) à longueurs de réplique (« il est passé par Lacanau », « petit, il mangeait du Canigou », « à la mort de sa mère, il s’est agrippé au cercueil en hurlant jusqu’au fond du caveau »), résume à lui seul l’incapacité du film à trouver une imagerie propre. Dans Contre enquête, le réel dépasse de la fiction comme un pan de chemise du jogging Kiabi du célèbre routard du crime. Il n’est qu’une garniture boursouflée et prodigieusement désincarnée, rappelant à chacune de ses interventions qu’il n’est pas mis en scène, qu’à part lui, il n’y a rien ou presque. Résultat : même drapé de gravité, le film s’avère résolument carnavalesque et cynique, sorte d’abattoir pour acteurs (pauvre Laurent Lucas, humilié par sa partition), fosse commune du polar où la moindre tentative, la moindre ambition y pourrissent à ciel ouvert.