Une nouvelle ration de Contes de l’âge d’or, donc, six mois après un premier volet honorable. Et d’abord un peu de lassitude, devant le premier sketch, qui est de loin le moins réussi. Une paysanne monte à la ville pour visiter sa mère malade, y apprend à distribuer les pots de vin, s’attache à un dindon qu’elle se refuse à tuer : impression de redite, crainte surtout que ces nouveaux courts n’aient pas grand chose de neuf à ajouter aux qualités décelées dans les premiers.
Du neuf, il y en a pourtant, dans cette deuxième partie qui se distingue par une dimension nettement plus intimiste et sentimentale. À la première il fallait exposer les enjeux : corruption, marché noir, etc. Tout se passe comme s’il avait fallu d’abord planter le décor, présenter à grands traits le pays et ces années-là, pour pouvoir ensuite y revenir, y installer des personnages un peu plus fouillés, les laisser s’y déployer. Dans un des premiers sketchs, le partage d’un cochon devenait l’illustration des dysfonctionnements et des pesanteurs du régime. À présent un trafic d’oeufs est l’occasion de représenter des parcours à échelle humaine : l’énergie et l’ambition d’une patronne de restaurant, l’amour sans espoir de son soupirant, un chauffeur routier malheureux en ménage. Le film s’urbanise et se rajeunit peu à peu, jusqu’au dernier sketch qui dépeint la rencontre d’une lycéenne et d’un séduisant escroc, quelque part entre la Nouvelle Vague, Une Education et le teen-movie de l’est – Ils mourront tous sauf moi, belle surprise russe de l’an dernier.
Le film vaut surtout pour sa peinture des relations sentimentales, où prévaut une gêne, une lassitude, voire un authentique dégout à l’idée de tout contact physique : « ce n’est pas mon copain », prend soin de préciser la paysanne au sujet de l’ami qu’elle doit rencontrer à la ville, et qu’elle repoussera par la suite (« tu sens l’alcool »). Le routier n’ose toucher ni sa complice, trop belle, ni sa femme qui ne l’est plus assez. Même les plus jeunes ne font guère que se draguer timidement autour d’une VHS. On pense à cette scène de La Vie est ailleurs, quand Jaromil n’ose pas poursuivre une entreprise de séduction, honteux de son caleçon moche, et au commentaire qu’en livre Kundera sur la dimension inhibante de cette impossibilité de l’élégance. Le film montre quelque chose de cet ordre : une série de petites difficultés concrètes, auxquelles s’ajoute une forme de moralisme et de contrôle, aboutissant à une vision pas vraiment épanouie des rapports charnels. En attendant L’Autobiographie de Nicolae Ceaucescu (bons échos cannois), le projet en deux temps de Mungiu aura en tous cas constitué une belle entreprise d’histoire culturelle et sociale.