Lorsque le film commence, l’écran de veille d’un ordinateur posé sur un bureau nous signale qu’Irène va bientôt revenir. Dans la banque où elle travaille, Irène a l’air coutumière de ce genre de chose. Au point que lorsqu’elle doit annoncer à une cliente enceinte et seule son interdit bancaire, on la sent faiblir, prête à fuir. Et lorsque, un peu plus tard, on découvre son mari, terne prof de philo constamment plongé dans « ses moyennes », de ses enfants (une fille boulotte et un grand ahuri qui se balade à poil), et de son intérieur confortable mais sans âme dans un lotissement de banlieue, on la comprend. Un soir Irène est agressée par une silhouette mystérieuse en ciré jaune. Elle n’en souffle mot à personne. Mais quelques jours plus tard, le ciré jaune (une femme dont on ne verra jamais le visage) est retrouvé sauvagement poignardé dans un parc voisin. Irène décide d’enquêter, et prend un peu le large d’avec sa famille et sa vie de petite bourgeoise malheureuse.
Confort moderne -premier long métrage de Dominique Choisy- cherche à préserver ce mystère initial, ce qui guide une femme en crise vers l’inconnu. Tout est construit selon une suite de rapprochements qui nous font comprendre que l’important n’est pas l’intrigue ni le suspense qui en découle, mais la résonance des événements dans la conscience brumeuse de l’héroïne. Irène, personnage féminin en crise, à l’insatisfaction très « antonionienne », « femme d’extérieur » elle aussi, cherche sans le savoir à échapper à une vie étriquée et à l’indifférence de ses proches. Une réalisation sèche, presque abstraite, scrutant la froideur aseptisée de son environnement, exprime de manière diffuse -et plutôt brillante- son désarroi. Quelques plans « tarkoskiens » sur le remuement du feuillage des arbres du parc voisin, sans coquetterie, plantent ce décor de banlieues résidentielles, aménagées pour la tranquillité et le bonheur, espace du « confort moderne » dont les vertus anesthésiantes ne fonctionnent pas toujours. Dommage que le scénario ne soit pas à la hauteur de ce que nous promet la première moitié du film : Irène reste dans l’ignorance, le spectateur aussi, et la rencontre avec une improbable Valérie Mairesse trahit un certain manque d’imagination. L’analyse clinique et sans concessions laisse place à un flou artistique qui cherche visiblement à noyer le poisson dans la mollesse de rebondissements où l’on sent Dominique Choisy un peu embarrassée de son sujet. Quelques bons moments surnagent encore dans cette fin de film, notamment grâce à la très belle prestation de Nathalie Richard et à la présence délicieusement irritante de Jean-Jacques Vannier. Pour eux, et pour ses réelles propositions de mise en scène, Confort moderne est un film à voir.