Comment j’ai tué mon père, cinquième long métrage d’Anne Fontaine, est avant tout un bel exercice d’écriture, une analyse psychologique sans faille, mais essentiellement textuelle. Le décor et le sujet sont presque à reléguer au second plan par leur banalité, ou du moins, leur manque de perspectives cinématographiques.
Jean-Luc est un médecin gérontologue (!) qui a fini par faire son trou dans la bonne ville de Versailles. Chez lui défile en masse une clientèle âgée et aisée. Jean-Luc habite une grande maison, avec sa femme Isa, qui s’ennuie dans ses nuisettes de soie et ne peut pas avoir d’enfant. Habitué à régner en maître sur les autres, il emploie son frère Patrick, un comique débutant, comme chauffeur. C’est alors que Maurice, le père de Jean-Luc, disparu en Afrique depuis des années, refait surface. Agissant comme un intrus dans la vie parfaitement ordonnée de Jean-Luc, il ne tarde pas à séduire l’entourage de son fils, qui verra bientôt en lui un ennemi. Anne Fontaine a voulu raconter une fable bourgeoise et œdipienne, effleurant la critique sociale tout en utilisant le vieux canevas dramatique du retour perturbateur d’un être disparu. Comment j’ai tué mon père souffre peut-être de trop de bonnes intentions, car à une écriture très appliquée s’ajoute une volonté de « bien faire » qui donne au film les mêmes travers que le personnage de Jean-Luc : c’est un cas intéressant par son exigence de perfection et sa volonté de maîtrise, mais il inspire peu d’émotion, et même une certaine antipathie.
Quant aux comédiens, ils ne sont pas tous à leur place. Si Berling se livre à une interprétation convaincante mais sans surprise de ce médecin machiavélique, Natacha Régnier est un choix insolite pour interpréter une bourgeoise désœuvrée, et son rôle est tellement superficiel qu’elle avait, soyons justes, peu de chance d’investir un tant soit peu son personnage. L’expérience de Michel Bouquet lui permet de s’en tirer avec un personnage finalement très flou et mal défini, qui agit « en creux » sur les autres, sans qu’on ait vraiment un aperçu de son identité réelle. C’est d’ailleurs un étrange parti pris de nous priver de tout éclaircissement, puisqu’il est après tout l’unique mystère d’un film. La seule émotion, c’est Stéphane Guillon qui la procure, excellent dans le rôle du frère délaissé, orphelin d’un père qu’il n’a pas connu, et qui déballe sur une scène ses souvenirs de petite enfance. Dans ces moments, Anne Fontaine retrouve une liberté de ton qui lui fait défaut pendant tout le film. Autrement, sa mise en scène convenue, figée et engoncée, ne génère aucun climat, et semble chercher des zones d’ombres là où la lumière devrait être faite, et vice versa.
Comment j’ai tué mon père est donc un drame psychologique soigné, mais refroidi, qui se perd un peu dans la laborieuse analyse de rapports pervertis, pas aussi fructueuse qu’on l’attendait. Un petit film d’une qualité bien franchouillarde, aussi maîtrisé que fastidieux.