Coluche, ce grand monument du rire gaulois, ses blagues belges, ses plumes bleu-blanc-rouge dans le postérieur, ces mimiques et sa salopette. Sa candidature à la présidentielle surtout, moment clé qui fera basculer l’humoriste dans une dépression carabinée, que de Caunes érige en synthèse du personnage. Après tout, avec Ali, Michael Mann a préféré s’arrêter à l’apogée du boxeur, pourquoi ne pas se focaliser sur le point limite zéro du comique, qui, via ce délirant canular, accélérait la fin du politique comme profession de foi. Une matière qui promet, donc, ajoutée à l’attente créée par l’interprétation de Coluche elle-même, personnage incrusté dans l’inconscient collectif par des milliers d’images rediffusées.
Sur ce point, pas de suspense. Au moins de Caunes a le mérite de ne pas se cacher. Pour régler les limites du transformisme qui sommeille en chaque biopic, il transforme le sien en grande foire au détail, met à nu chaque ossement du squelette du genre. Après une virée en moto jusqu’au Théâtre du Gymnase, Demaison enfile la salopette, salue la foule d’un typique mouvement des doigts et interprète le sketch du « nouvel Homo ». De l’imitation (plutôt bonne d’ailleurs), totalement suicidaire pour l’acteur, qui, d’emblée, place le film en-deça du réel, lui fait jouer le rôle d’un petit fan copiste et transi (une affligeante bande de comiques en culottes courtes, « les sales gosses » en firent leur spécialité dans les années 90). Toute l’énergie du cinéaste se concentre sur l’anecdote de bonnes feuilles, du jaune du sous-pull aux kilos superflus, en passant par la voix de France Gall qui laisse un message sur le répondeur de « Michel » en pleine tourmente, petit gadget people en bonne et due forme balancé juste pour compléter le décorum. On pinaille ? Non, c’est la faute à de Caunes, désespérément collectionneur, conquérant de l’inutile qui s’acharne à emboîter des carrés avec des ronds.
Du reste, son abnégation finit par payer. Non que le film prenne une quelconque ampleur, mais il reste constant dans son vol en rase motte. La narration tient la route sans faiblir, carbure au croustillant : ici un faux Choron, là un faux Attali, un bon mot véridique ou une anecdote qui tue. Plaisant, scolaire, il faut déjà le réussir. Mais de vision nette, acérée, pas une once. Enfin si, plusieurs, disséminées aux quatre coins de l’écran. On peut lire sous l’admiration coluchiste les prémices d’une mise à l’épreuve du mythe (son côté despote de bande), le basculement de la boutade grinçante vers le bad trip, une certaine noirceur que de Caunes ne parvient jamais à transformer en solide enjeu. C’est le grand drame du film, résolu à la synthèse grossière, à l’imagerie INA dont l’hallucinant finale boucle l’échec en beauté : Coluche erre aux Buttes-Chaumont où il croise un clodo qui fouille dans une poubelle puis un bourgeois les mains pleines de victuailles – t’as pigé, mec ?