Résolument rock, mais résolument seulement, un peu blues aussi, Coffee and cigarettes est une compilation de courts métrages, cette série que tourne Jarmusch depuis près de vingt ans. Le programme du film s’y réduit au bout à bout. Une situation (un café, une conversation) et une image noire (coffee) et blanche (cigarettes) sont les constantes sur lesquelles se greffent deux variables : le contenu de la conversation et le casting de têtes connues. Se succèdent ainsi : Tom Waits, Cate Blanchett, The White Stripes, RZA & GZA, Iggy Pop, Steve Coogan, Roberto Benigni, Alex Descas, Alfred Molina, Bill Murray, Steve Buscemi et quelques autres. Et les discussions, qui tournent autour d’Elvis Presley et Jesse Garon, les méfaits de la caféine, un rendez-vous chez le dentiste, le cousinage, n’ont pour toute couleur qu’une espèce de propension nonsensique à passer beaucoup de temps pour ne rien dire -ce qui est le charme aussi de la conversation de café (avec des cigarettes).
Très inégale et de toute manière anecdotique dans l’oeuvre de Jarmusch, la série enfile les petits sketchs, formant un collier totoche d’où n’émerge aucun joyau. Entre deux saynètes parfois limite indigentes, quelques jolies pierres toutefois et une seule précieuse : l’inévitable Bill Murray, dont l’apparition vient soudain réveiller le programme de sa léthargie enfumée. Le grand Bill n’est pas tout seul. A table et autour d’une tasse de thé, RZA (qui avait composé pour Jarmusch un score magnifique sur Ghost dog) prodigue à GZA, l’autre tête pensante du Wu-Tang Clan, un mini cours de médecine naturelle. Puis surgit Bill Murray en serveur. Toujours pas réveillé du Jour sans fin qu’il vit depuis dix ans, il boit le café directement à la cafetière. A voir ce sketch, de loin le meilleur de la série, on voit à quoi aurait pu ressembler Coffee and cigarettes : un grand bavardage sans cesse interrompu par des fantômes venu d’ailleurs, d’autres nuits.