Coeurs perdus surfe sur le vague retour en vogue du film noir amorcé par Le Dahlia noir. L’alibi de ce remake des Tueurs de la Lune de miel ? La parenté du cinéaste Todd Robinson avec un des flics ayant enquêté sur la véritable vie du couple d’escrocs tueurs, lequel flic est campé par un John Travolta plus bouffi et inexpressif que jamais. Rappelons l’histoire : traque d’une mante religieuse pétrie de jalousie et d’un Christophe Rocancourt des bacs à sable, séduisant des veuves de guerre afin de siphonner leurs économies, avant de les dézinguer par plaisir ou jalousie, on ne sait pas bien. Couple trouble bien sûr, plus dégénéré et brutalement médiocre qu’amoureux.
Hélas, le vérisme affiché en tête de gondole tourne court. Coeurs perdus cumule les écueils du biopic industriel et ceux de l’hommage aux maîtres classiques : académisme à tout crin, transformisme mortellement sérieux, mise en scène de tics et de toc. Surnage, un peu par hasard, la médiocrité pathétique de ces Bonnie & Clyde de Prisunic campés avec force cabotinage par Salma Hayek et Jared Leto. Deux cas typiques de beauté lissés par l’image, plus brillants que magnétiques, mais qui peuvent enfin jouer cela, cette incapacité à densifier l’image, cette frustration des petits caporaux qui peuplent le rez-de-chaussée d’Hollywood, sanctionnés par l’objectif sans que l’on sache vraiment pourquoi. Au moins, Robinson prend l’affaire en charge, il ne tire du film que des affects brouillés, saisit ce refoulement dans une ébauche de théorisation (peinture d’une Amérique de sous sol dont les seuls reliefs sont crades), ou en s’estomaquant de douleur à la vue d’une flaque de sang.
Seulement voilà, le monstre sacré, censé transformer cette putréfaction au sublime, du moins en grand sujet, n’est pas au mieux de sa forme. Travolta n’en impose plus, il plante le cadre, vidé de sa substance. Là encore, tout est affaire de lumière : ses cheveux montés en choucroute et vaguement teints, son oeil éteint, sa manière plus paresseuse que sobre de jouer les renfermés condamne la performance au cachetonnage mou. Coeurs perdus se fige alors dans une singerie de téléfilm, oeuvre formatée, étriquée qui emprunte au genre mais finit par s’y dissoudre tout à fait.