Bienvenue. Bienvenue dans le monde doux amer du jeune cinéma français. Un monde cruel et arty où l’on fume sa clope dans les bars branchés de Montparnasse, un monde où les héros ont tous quelque chose d’Antoine Doisnel, un peu d’humour, du charme à couper au couteau et des copains pittoresques campés par des seconds rôles justes là pour vous servir la soupe. Bienvenue dans Clara et moi, portrait générationnel des trentenaires fils à papa, des chansons de Benjamin Biolay, de ce mouvement cinéphile gestationnaire qui aimerait bien inventer de nouvelles formes et qui chérit beaucoup trop son passé.
Lui, c’est Antoine, 32 ans bientôt 33, un comédien qui n’a plus trop l’âge de débuter. Sans être vulgairement beau gosse, il est plutôt charmant, du genre à frisotter de l’oeil, sourire béatement comme Jean-Marc Barr ou lancer des vannes poétiques au point G du moment opportun. Elle, c’est Clara, la trentaine resplendissante, elle aussi tourmentée, hésitante, mais mystérieuse comme une femme fatale qui sera fatale à Antoine. Les deux galèrent, se sentent trop cocoonés ou blessés par leurs parents, font leurs footings au jardin du Luxembourg, se draguent si subtilement qu’ils feraient passer Oscar Wilde pour Aldo Maccionne. Ils ont leurs petits tics, ces deux icônes flamboyantes de la rive gauche. Elle enfile ses porte-jarretelles dans le TGV où elle fait hôtesse du rail pour payer son loyer, lui ré-écrit sans cesse un scénario pour une pièce qu’il voudrait monter au théâtre en bas de son F2 crado-pop.
Le problème de Clara et moi n’est pas tant cette complaisance sans faille envers les clichés parisiens. Arnaud Viard, qui n’a même pas l’excuse d’être désinvolte vis à vis de son sujet puisqu’il filme peu ou prou sa propre histoire, signe un opus d’une roublardise inégalée, si fier de ses procédés éculés qu’il en devient franchement insupportable. Avec son ton mesuré, son économie de moyens autoproclamée (la DV) et ses gerbes maniéristes qui explosent comme un pétard mouillé, difficile de trouver un sens au film qui regorge de pistes mais qui n’a finalement pas grand chose à dire. D’autant plus crispant que cette schizophrénie par défaut, entre simplicité assumée, portrait de groupe et postures brouillonnes, trouve toujours un écho réducteur à la description principale du film : celle d’une génération piétineuse qui tourne sans arrêt autour du pot. Du coup, la tournure tragique du scénario à mi-parcours advient comme un vulgaire trou à boucher pour atteindre péniblement un format de long métrage. Viard a beau se rattraper sur quelques scènes intenses et personnelles, comme les retrouvailles d’Antoine avec son père, où la mise en scène décolle, enfin déchargée de ses fioritures poseuses, rien à faire. Clara et moi reste englué en petit soldat dans les rangs vaguement nombrilistes d’un certain cinéma d’auteur à bout de souffle.