Composé de quatre sketches, Chroniques marocaines a pour ambition de dresser un état des lieux de la situation sociale du Maroc. Chaque histoire évoque donc des problèmes contemporains de ce pays : l’exil des pères de famille vers la France, la situation précaire des forains marocains, l’émancipation sexuelle des femmes, et enfin, la disparition du petit commerce traditionnel au profit des échanges économiques internationaux.
Bien sûr, les intentions du réalisateur sont louables puisqu’elles ont le mérite de souligner les malaises d’une société, mais elles ne l’autorisent pas pour autant à les afficher aussi clairement. Moumen Smihi s’en tient au simple constat de situations qu’il peine à poétiser. En faisant trop confiance à sa mise en scène qui se veut en prise directe avec le réel (acteurs non professionnels, plans en décors naturels avec les gens de la rue comme figurants), il néglige l’aspect narratif de son récit. Le film n’appartenant pas au genre du documentaire, ses histoires se perdent entre retranscription du réel et fiction. Il en résulte une certaine maladresse dans la forme même de l’œuvre. La structure brute et linéaire des sketches est souvent interrompue par des inserts sur des paysages marocains censés créer une aura lyrique planant au-dessus du quotidien décrit. Hélas, le procédé est facile, et devient vite répétitif, malgré la beauté évidente de ces plans.
Les aspirations de Moumen Smihi à rendre compte du contexte social de son pays se heurtent au simplisme des histoires racontées. Loin de l’épure symbolique, leur dépouillement trahit plutôt une impuissance à caractériser densément les personnages et les situations. L’anecdote du vieux pêcheur qui veut capturer le « monstre » du détroit de Gilbratar en témoigne : l’immense poisson n’est en fait qu’un cargo marchand européen chargé d’approvisionner le Maroc. La métaphore symbolisant le grand capital se révèle d’autant plus lourde et convenue lorsque le cinéaste filme le bateau tel un requin menaçant. Le plan suivant tombe carrément dans la sensiblerie en figurant la barque du pêcheur détruite par l’affrontement que ce dernier a provoqué (un peu comme Don Quichotte et les moulins à vent).
A force d’empathie, Chroniques marocaines ne parvient pas à prendre le recul nécessaire pour traiter son sujet. Sa mise en scène un peu trop ingénue en est une des principales conséquences.