D’Alexandre le Grand à Mitterrand, en attendant Ray Charles, les biopics pullulent en ce début de l’année. Et s’il ne figure pas encore dans l’Encyclopédie Universalis, le boxeur thaï Dida a déjà son film based from his true story. Son histoire ? Un parcours à la Rocky mâtiné de Jean-Claude Van Damme, un condensé de sueur, d’humilité et de coups de tatane. Il avait tout raconté dans Dida, de l’enfer de la banlieue à Hollywood, son best seller de librairie, y compris ses envies de cinéma. Productrice étonnante (de Pialat à Jean-Jacques Annaud), Vera Belmont rachète les droits et confie la réalisation à Xavier Durringer. Un choix judicieux, car sans doute le cinéaste le plus stimulant d’un cinéma français populaire en mal de professionnalisme, perdu par les fonctionnaires télévisuels et le clonage hollywoodien au rabais. Spécialiste es voyou à l’ancienne (il collabore depuis des années avec Jean Miez, un ex bandit d’honneur), l’auteur de J’irai au paradis car l’enfer est ici est probablement celui qui marie le plus subtilement les gueules post Audiart aux codes plus internationaux du film de genre.
Petite frappe de banlieue incarcérée pour un sous braquage, Ryan (Dida) apprend la boxe thaï sous la gouverne de son camarade de chambrée (Giraudeau), une ancienne gloire de la discipline. A sa sortie, il s’envole pour Bangkok avec comme seul bagage une motivation quasi militaire. La suite, on la connaît : intégration difficile, entraînement à la dure pour une gloire bien méritée. Durringer raconte le tout avec une bienveillance pudique et virile. Si Ryan-Dida est presque de chaque plan, le cinéaste ne se substitue pas à lui. Il y a dans ce binôme, une transmission mutuelle simple et touchante : le boxeur découvre la comédie alors que le cinéaste apprend à filmer la boxe, ne lâchant pas son athlète d’une semelle. Ce regard profane et attentif, instaure un suspens quasi naïf, en tout cas d’une modestie émouvante, loin des arrogantes bessonneries qu’on duplique plus vite que la musique.
Ce mouvement simultané rythme le film, toujours tendu et fort quand il se complaît dans le vécu ou l’anecdote. Dès la rencontre classique entre le maître et l’élève, Durringer pose ses bases : soucis du détail (la confection du tatouage qui transpire la confession de taulard), virilité des vieux cow-boys, fascination pour l’exotisme et l’aventure. L’arrivée en Thaïlande est sans doute le meilleur moment : le film se déploie tranquille, plonge langoureusement au coeur des stades bouillonnants et des rings d’entraînements. Avec Dida en fil rouge, Durringer apprivoise l’espace (le restaurant, le club de boxe), il fixe les trognes (les entraîneurs, corps de cinéma parfaits), raconte les combats illicites, les promoteurs racistes. Il y a une jouissance communicative à montrer l’aventure rêvée, du gigantisme des buildings aux joggings matinaux des athlètes le long d’un périph saturé. Alors on pardonne vite les séquences de thriller ou le final tragique, mal fagotés. Xavier Durringer tient pour l’instant l’un des meilleurs films d’action du cinéma français. Champion du monde ?