Jusqu’à présent, l’ambiance chez les superhéros était plutôt virile. A travers Batman ou Hellboy, les scénaristes ne nous parlaient en effet que des problèmes de la masculinité au quotidien. Parité oblige, la féminité devait conquérir ce territoire, ne serait-ce que pour renouveler les enjeux d’un genre qui semble s’essouffler. Cette mission reposait depuis longtemps sur un scénario dérivé du Batman returns et reprenant le personnage qu’avait à l’époque popularisé Michelle Pfeiffer : Catwoman. Agressive, sexy et folle, il avait de quoi séduire. Pressés de profiter du succès, les scénaristes avaient calqué la trame du film sur celui de Tim Burton. D’où la même histoire d’une employée un peu gourde tuée par son patron pour avoir été témoin de ce qu’il ne fallait pas et ressuscitée par des chats pour devenir la vengeresse en cuir.
Pourquoi alors ce palimpseste aura mis dix ans à être adapté, qui plus est pour finalement se conclure par un sabordage en règle ? Il n’y a pas vraiment d’explication à fournir quant à ce e naufrage typiquement hollywoodien, sauf à faire trois remarques. Primo, le plus anecdotique : le mauvais goût de Pitof ne ressemble en rien au goût sombre de Burton. De l’ensemble SM vulgaire à l’esthétique générale quelconque, rien dans le film ne propose le début d’une réflexion sur la félinité ou la féminité. Plus étonnant, le réalisateur de Vidocq a réussi à se rendre totalement invisible et insignifiant dans son exploration des perspectives et des dimensions de l’architecture américaine. Deuxio, le plus important : la condition de la femme est inconnue des grands studios. Visiblement, les scénaristes et les producteurs ont raisonné en mâles satisfaits pour imaginer la représentation héroïque de la féminité. Compte tenu des siècles d’oppression et en regard du fait que Hulk lutte contre son propre père devenu magma atomique, n’auraient-ils pas pu trouver autre chose que la vengeance d’une femme contre une entreprise machiavélique de crème anti-rides ? La dualité homme / superhéros n’aurait-elle pas pu se résumer à autre chose qu’une ménagère devenant instinctivement une cleptomane amoureuse des bijoux ? Enfin, le plus surprenant : à l’intérieur de ce spectacle incongru, nul et non avenu, surnage une femme, une vraie, Sharon Stone. D’un rôle ingrat (joué une quarantenaire cocufiée) et ridicule (à force d’applications en cercles concentriques d’un produit de beauté, sa peau est devenue dure comme du marbre), elle laisse transparaître une noirceur, une méchanceté et une réelle meurtrissure qui nous laissent entrevoir et regretter ce qu’aurait réellement dû être la première superhéroïne de ce millénaire.