Des corps décharnés, mutilés, démembrés constituent les premières images de Capitaines d’avril. Cette entrée en matière, plutôt inattendue, place d’emblée le spectateur dans l’inconscient des protagonistes du film. Jamais ceux-ci, en effet, ne se départiront de ce qu’ils ont vu ; c’est même cela qui conditionnera toutes leurs actions. En racontant l’histoire de la révolution des œillets, Capitaines d’avril reprend donc un peu les choses là où Manoel de Oliveira les avaient laissées avec Non, ou la vaine gloire de commander, à savoir l’horreur absolue des guerres coloniales dans lesquelles le Portugal salazariste s’était embourbé.
De l’Afrique à l’Europe se dessine ainsi une ligne mentale que seuls les revenants sont à même d’édifier dans l’optique d’un avenir différent. Que la révolution des œillets fût le fait de jeunes militaires plutôt que celui du peuple témoigne non seulement de l’apathie de ce dernier mais surtout du renversement de la violence brute vers la force tranquille. Et le film rend bien par instants cette translation, pas suffisamment, cependant, pour nous plaire tout à fait. Car si le début constituait une belle idée de cinéma, l’actrice Maria de Medeiros, improvisée réalisatrice le temps d’un film, ne saura pas, en réalité, l’exploiter comme il se doit. A aucun moment elle ne réussit à donner corps à un sujet qui méritait probablement d’être travaillé uniquement par cela. Tout reste confiné dans une mollesse que ni l’intérêt pédagogique du film, ni ses élans imparables de romantisme révolutionnaire ne parviennent à faire voler en éclats. En cherchant seulement à réaliser littéralement un scénario qui tient beaucoup à sa volonté d’évoquer un moment important de l’histoire contemporaine de son pays, Maria de Medeiros n’arrive à créer que des personnages prétextes, sans grand intérêt. Simplement estimable, le film ne tient pas toutes ses promesses et pâtit donc lourdement d’une mise en scène insignifiante où la sincérité indubitable du projet ne suffit pas à camoufler une certaine vanité.