J’entrai dans la cellule. Le Diable était assis sur sa chaise, il me jeta un regard méfiant.
– Alors, dis-je, dans quel guêpier t’es-tu encore fourré ?
– Tu sais, me dit-il, essayant d’éluder ma question, c’est le jeune écrivain Vincent Ravalec qui réalisait le film, alors je me suis dit que ce pouvait être un bon moyen de redorer mon blason culturel…
– Mais avais-tu au moins lu un de ses livres avant, lui lançais-je, me méfiant de ses excuses.
– C’est-à-dire que… enfin je veux dire que…
– C’est bon, n’aggrave pas ton cas. Ne me dis pas qu’avec un titre pareil tu ne pouvais pas te douter de quelque chose.
– Justement, renchérit le Diable, toujours prompt à la répartie, je croyais qu’il serait question de cités, de jeunes racailles à aller pervertir…Une grande fresque socio-révolutionnaire, sorte de La Haine métaphysique…
– Ça suffit, lui lançai-je. Face à tant de mauvaise foi je commençais à perdre patience.
– Je n’y peux rien, me répondit-il gémissant, les gens veulent de moins en moins de moi… Je suis bien obligé de survivre. J’accepte ce qui vient.
– Enfin, quand même, je ne pensais pas que tu puisses tomber plus bas qu’avec Alan Parker ou René Clair*…
– Tu sais, j’ai honte. Apparaître sous les traits de Denis Lavant, d’une grand-mère, d’un chat pouilleux et de lave bouillonnante, tout ça dans le même film, je ne pensais pas non plus que cela pourrait m’arriver.
Allait–il enfin cesser de contourner mes questions et me raconter enfin quelques détails croustillants sur l’affaire ?
– As-tu seulement lu le scénario avant de t’illustrer dans ce roman-photo de mauvaise facture ?, lui demandai-je soudain pris de doute.
Là, il ne me répondit pas. Il baissa les yeux en attendant que l’orage passe.
– Enfin, hurlais-je, cette histoire de grandeur et décadence sociale sur fond de paranoïa, cette pseudo fable critique sur le pouvoir maléfique de l’argent, qui oserait encore se commettre là dedans ?
– Il y a bien Yvan Attal, Marc Lavoine, Claire Nebout, jeta le Diable, toujours prêt à balancer ses complices.
– Et le style, que fais-tu du style ? C’est pire qu’un étudiant en cinéma découvrant pour la première fois toute la gamme des effets de son caméscope.
– Je ne pouvais pas savoir.
L’évidente mauvaise volonté du Diable à admettre sa faute finissait par me lasser. Et je savais d’avance que tous mes efforts pour le défendre seraient vains.
– Tu sais, lui dis-je, je crains de ne pouvoir, cette fois, pas faire grand chose pour toi.
Sur ce, je quittai sa cellule, dans laquelle, après un tel forfait, il risquait de passer un bon nombre d’années. Que voulez-vous, on ne peut pas toujours se faire l’avocat du Diable.
* Respectivement Angel heart et La Beauté du diable