25e anniversaire de sa mort oblige, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que maisons de disques, éditeurs vidéo, chaînes de télévisions et pour finir cinéastes apportent leur petite contribution personnelle à la vaste opération de commémoration de la divine « voix du siècle ». Ancien assistant de Fellini (qui a eu l’honneur de diriger la Callas dans plusieurs pièces) et metteur en scène de renom, Franco Zeffirelli y va également de son petit hommage avec la sortie de ce Callas forever, sorte d’objet non filmé à la fois ridicule, pathétique et kitch.
L’histoire, imaginée par Zeffirelli lui-même, n’avait pourtant rien de bien honteux : encouragée par son ancien manager et ami (Jeremy Irons), la Callas décide de sortir de sa dépression (souvenez-vous, la perte de sa voix, cet imbécile d’Onassis qui lui préfère Jackie Kennedy, le fiasco au Japon, etc.) et de revenir sur scène. Plus précisément de tourner l’opéra Carmen de Bizet, avec son ancienne voix en play-back. Avec pareil scénario, ça aurait pu marcher, on a vu plus grosses ficelles. Mais bien entendu ça ne marche pas : béat d’admiration pour le destin réellement tragique de la cantatrice, Zeffirelli accumule les clichés (il n’y a qu’à voir les décors seventies du film, ou encore la relation gay entre Irons et son mignon… peintre comme il se doit), donne dans la grandiloquence des sentiments (la scène horriblement pathétique de la Callas qui chiale en écoutant ses anciens disques) et grossit, au point d’en annihiler complètement la portée tragique, les affres psychologiques d’une immense diva sur le déclin. Les plans fixes mal cadrés sur le visages d’une Fanny Ardant en roue libre et sans cesse au bord des larmes, sans cesse transfigurée par la douleur, puis hystéro-euphorique pendant le tournage de Carmen (un pseudo film dans le film grotesque), sont à ce titre d’un innommable ridicule. Dans un opéra, le fait de surjouer, d’accentuer les ressorts dramatiques, de « tabler » sur la démesure sont non seulement tolérés mais parfois indispensables ; au cinéma, ce même choix esthétique bascule rapidement dans le kitch : voilà pourquoi, par exemple, Fanny Ardant, qui s’est sans doute un peu trop prise pour la Callas (méthode Actor’s Studio), n’a jamais aussi mal joué. Et puis que dire aussi de cette espèce de fable un peu réactionnaire sur l’art fabriqué, voire supplanté, par la technologie (le play-back remplace le bon vieux live), imposture sous forme de pacte faustien à laquelle la Callas, en grande artiste pure qu’elle a été, ne cédera finalement pas ? Pas grand chose justement.
On l’aura vite compris, il n’y a strictement rien à retenir de ce navet si ce n’est sa bande originale, si ce n’est surtout qu’on espère ne plus jamais revoir de variations biographiques sur un personnage peut-être impropre aux adaptations cinématographiques.