C’est l’histoire d’une maison délabrée perdue au milieu de la campagne. Et puis, tout près de la maison… au fond du puits… il y a un bonhomme bizarre, une drôle de frimousse qui fait rien qu’à faire des bêtises ! Qui est-ce, l’ami Ricoré ? Non, c’est Raymond ! Mais chut, c’est un secret : Raymond vit là depuis longtemps, mais personne ne le sait. Il ne lui faut pas grand-chose : une cave tranquille, quelques ustensiles pour vivoter, et il est bénaise le Raymond. Un jour, malheur de malheur, ce qui devait arriver arrive : une famille sympatoche rachète la bicoque et décide d’habiter là, dans la niche du bon Raymond. Alors Raymond, tout paniqué, envoie valdinguer la ferraille. Badaboum ! Il fait un barouf de tous les diables pendant qu’à quelques mètres, la petite famille furète déjà dans tous les coins. Mais personne ne l’entend, le Raymond, et c’est bien là tout son drame. Existe-t-il ? Est-ce un fantôme ? Un paysan ? Un fantôme paysan ? Un peu tout cela à la fois, probablement. De toute façon, le film est déjà mort.
Papa et maman retapent la baraque et on s’installe. C’est l’été, quel bonheur ! Le toutou fait ouah-ouah, il y a un beau soleil dans le ciel, on a repeint les volets en mauves et la porte en jaune. Le matin, Papa fait « cocorico ! » à la fenêtre et on mange des Chocapic sous un grand parasol à fleurs. Tout va bien, même si la factrice aime bien bavarder quand elle passe. Une vraie pipelette celle-là ! Enfin, la famille est heureuse, mais voilà que tout près de la maison… au fond du puits… il y a Raymond, toujours là, avec sa bouille renfrognée à la Francis Heaulme mâtinée de Popeck et du regard halluciné de Laurent Fournier. Il est farceur comme pas deux le Raymond. Oh la la, il n’arrête pas, un vrai Garcimore ! Il fourre son tarbouif partout, de la cave au grenier, et déplace tout plein de trucs et de machins dans les bidules. Tout est détraqué dans la maison, on retrouve du papier toilette dans la niche du toutou, un nounours dans l’arbre et l’autre jour il a même pris la tong d’Aurore et l’a cachée dans le frigidaire. La nuit, pendant que tout le monde dort, il passe par la fenêtre, trempe ses panards dans l’aquarium, choure les clés de la voiture et allume l’autoradio à donf dans le garage.
Dans la ferme, personne n’entend Raymond. Sauf les galoupiauds, bien sûr, qui l’aiment et le comprennent en secret, même si personne ne les croit. La fillette jette des bouts de manger dans une ensileuse, le mioche lui refourgue une savate et quand leur ballon de baudruche tombe dans le puits, Raymond, beau joueur, leur renvoie illico. Ils communiquent. Quant à Manman, elle craque, c’est la dépression. Que faut-il faire ? Amadouer le Raymond, le nourrir ? Elle dépose des Frolics au bord de la route pour qu’il arrête de les embêter, mais rien n’y fait, le Raymond fouine partout et kidnappe le clébard une semaine dans son puits. Avec tout ça, Maman devient folle, toute violette comme les volets de la maison, quelle histoire !
Quelle histoire, en effet, que ce film au beau sujet mais à la mise en scène aberrante et précaire, dont on saisit bien l’idée, le vouloir-dire qui gît au fond de ce puits de poésie Nesquick : le refoulé d’un monde paysan en voie d’extinction qui vient chatouiller les pieds des citadins en mal de poulailler ; une proposition de figuration de l’exode rural. Réduit à cette esthétique Croque-vacances et à cette fantaisie de salle d’attente de pédiatre, Cache-cache ne pourrait plaire qu’à des enfants, mais ceux-ci ne le verront pas. La poésie et les comptines, c’est comme la ferraille du Raymond : tripotez-la avec des gros doigts, vous allez faire un boucan pas possible. Vous avez beau être gentil comme tout, ça ne pardonne pas. Comme l’enfer, le cinéma mongolo est pavé de bonnes intentions.
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