Ca ira mieux demain, c’est l’histoire de petits riens. Mais certainement pas ceux chantés par Gainsbourg. Non, ici, aucune humeur désenchantée ne vient donner un supplément d’âme au néant. Du vent, du bavardage, le fin du fin de l’ordinaire et de l’insignifiance. On peut y apprécier l’exemplaire futilité de choses qui ne conduisent nulle part et circulent dans le film en circuit fermé. Jeanne Balibar ne sait pas quoi faire d’une vieille commode. Elle achète un bout de plastique pour la recouvrir, et -horreur !- apprend que le bois pourrit sous cette matière. C’est là que « tout » commence : elle rencontre Nathalie Baye, à qui elle pourra refiler le meuble malgré les protestations de Jean-Pierre Daroussin, un odieux kiné qui se pique de psychanalyse et mange des choucroutes indigestes avec son copain, Didier Bezace, qui a des maux d’estomac et qui drague en secret Nathalie Baye, etc. C’est une sorte de « ronde » (mais on est très loin d’Ophüls), où les turpitudes de chacun sont censées donner une idée de l’air du temps. En voyant Ca ira mieux demain, vous apprendrez surtout que dans le Paris pittoresque et « branchouille » de la rue Caulaincourt, on se rencontre, on se dispute, on se réconcilie, on s’égaie, on déprime. Tout ça, c’est bien joli (même très joli), mais ça ne fait pas un film. Une pub pour les AGF à la limite. D’autant que le charme subtil d’Isabelle Carré se passerait bien d’un violoncelle qui lui sied très mal, que la salopette rouge de Jeanne Balibar est un peu trop apprêtée, les lunettes de psy de Jean-Pierre Daroussin un peu trop bien chaussées…
Bref, tout ça conspire trop visiblement à former une gentille comédie pour que l’on s’amuse vraiment. Des accessoires et des costumes aux dialogues et aux situations elles-mêmes, tout est évidemment fabriqué, « forcé » par la mise en scène, sans aucun naturel ni vérité. Jeanne Labrune peut intituler avec prétention son film « fantaisie », pousser l’ostentation jusqu’à le découper en chapitres (donnant l’illusion qu’il y a progression d’un point de départ à une situation d’arrivée), ça ne fait que renforcer l’impression d’artificialité. Et il en faut plus que l’impudique apparition de Dominique Besnehard (en slip rouge !), même pas drôle, pour nous persuader qu’il y a dans ce film une science du comique décalé ou même un degré d’observation intéressant. Le plus triste, ce sont tous ces acteurs -beaucoup de gloires nationales qui n’ont visiblement plus rien à prouver- qui s’empêtrent dans un jeu convenu et un comique de mauvais vaudeville. A faire du cinéma sans idée, on risque de donner une mauvaise idée du cinéma français…