Dix-neuvième long métrage de Bertrand Tavernier, à qui l’on doit dernièrement L.627, L’Appât (avec notamment Marie Gillain) et Capitaine Conan, Ça commence aujourd’hui se présente comme une chronique sur le combat quotidien d’un directeur d’école maternelle d’un petit bourg (Hernaing, près de Valenciennes) situé dans une région fortement rongée par le chômage…
L’on pouvait craindre le pire, tant le projet portait en lui tous les ingrédients misérabilistes et démagogiques d’un téléfilm à la Gérard Klein. Bertrand Tavernier, très souvent présent médiatiquement pour dénoncer les différents fléaux sociaux, n’allait-il pas tomber dans la complaisance moralisatrice ? Et bien non. Pas du tout même. A défaut d’être moralisateur, le cinéaste est devenu moraliste. Il ne donne aucune leçon mais présente simplement les faits, objectivement. Mais attention, « objectivement » ne veut pas dire aseptisé et froid, car Bertrand Tavernier offre de la chaleur humaine dans ce film, et démontre, pour ceux qui doutaient encore de son talent, quel raconteur d’histoires et quel cinéaste il peut être. Un cinéaste qui, à chaque film, épouse par son style le sujet qu’il explore. Ça commence aujourd’hui ne déroge pas à la règle et fait l’objet d’un parti pris esthétique proche d’une « caméra vérité » documentaire. Un aspect qui n’entame en rien l’histoire parfois drôle et souvent poignante de cet homme, remarquablement interprété par Philippe Torreton, confronté au chômage.
Bertrand Tavernier réussit ainsi le tour de force de provoquer, si ce n’est des réactions, des réflexions. Il ne semble pas vouloir nous inculquer ni nous apprendre des choses mais simplement communiquer son état d’esprit vis-à-vis de cette région (le film est tourné en décors naturels avec de nombreux figurants amateurs). Il en découle un film impressionnant de vérité et tellement humain dans son propos qu’on ne peut qu’être touché par sa vision, à moins d’être totalement aigri.