La question n’est pas de savoir si un défi tel que celui de Buried – faire tenir tout un film dans un cercueil – est finalement relevé. Fut-elle éclatante, la réussite du pari de mise en scène le plus crâne n’a jamais été la garantie foncière du génie. Il y avait pourtant de quoi se méfier de la rumeur festivalière qui a précédé le film : c’est bien ce genre de pari qui occupe l’espagnol Rodrigo Cortés, lequel à l’évidence caressait l’idée d’en découdre avec quelques prouesses fameuses, du radeau de Lifeboat au piège géométrique de Cube. Nouveau record à battre, donc, avec le cercueil de Buried, habité par un protagoniste unique et bien vivant, un average Joe perdu dans les méandres du conflit irakien et dont le film épouse jusqu’au bout l’objectif fiévreux : échapper aux vers, retrouver le jour.
Pour tenir cette audacieuse promesse, le film manque clairement de témérité. Par peur du vide, le scénario s’empresse de cumuler les embûches pour attiser le feu de l’action : un serpent passe forcément par là, les secours sont sur répondeur, etc. Si bien que les occasions de goûter spirituellement à la solitude absolue du héros sont escamotées. L’idée d’un oubli tragique de l’individu, enseveli à six pieds sous terre tel un dommage collatéral du désordre global, semble pourtant poindre lors de trop rares instants d’inquiétude kafkaïenne – d’autant que le hasard de l’actualité (la révélation par Wikileaks des pertes massives de contractuels civils en Irak) teinterait presque le film d’une couleur politique. C’est une piste vite oubliée, parce que Buried est occupé ailleurs. Au lieu de creuser plus profond sous le sable (en allongeant les temps morts et lancinants ou en sondant les égarements intérieurs du prisonnier), il se drape sous des parures formelles plutôt hasardeuses. Difficile de compatir avec l’enterré quand la caméra s’envole au-dessus de lui pour dire son désespoir, redéfinissant subitement les dimensions du tombeau. Le film néanmoins reste sympathique dans son souci de tenir parole et de toucher tant bien que mal à son but : faire tenir sur la longueur un récit purement sensoriel. L’heure et demie passée sous terre est indéniablement éprouvante pour qui a déjà senti perler la sueur froide d’un cauchemar claustrophobe. Le pari initial est donc tenu, et on attend de voir Cortés, dorénavant, faire un meilleur usage de ses gains.