Vingt ans après le coup d’Etat (1976), qu’en est-il de l’Argentine ? Ce pays arrive-t-il à assumer, dépasser cet épisode particulièrement violent de son histoire ? Alejandro Agresti appréhende son sujet en accumulant les points de vue, les personnages, les lieux de prises de vue ; une somme de plans et de scènes révélatrice de l’état d’un pays. Une démarche qui dans la première partie du film semble assez confuse et qui pourtant finit, à force d’accumulation, par posséder une véritable puissance expressive. L’assemblage dévoile un pays hanté, un pays en éternelle transition qui n’arrive ni à oublier, ni à rendre justice à son passé. Aucune des questions relatives à cette période, impunité des bourreaux, sort des familles des « disparus », n’ayant été réellement réglées.
La seconde génération, celle d’après le coup d’Etat de Videla, aimerait comprendre mais les passeurs sont inexistants. Pour connaître son pays, celle-ci est obligée de l’espionner, de le filmer à son insu. Une fille est chargée par un couple de personnes âgées qui ne sort plus de sa maison (on comprendra plus tard que leur enfant est l’un des « disparus ») de filmer la ville. Ses employeurs ne sont jamais satisfaits par les images tournées ; ils ne reconnaissent pas Buenos Aires. Un garçon, réceptionniste dans un hôtel, a installé des micros pour surveiller les clients, il se rendra compte qu’un membre de sa famille est un ex-tortionnaire. La connaissance de l’histoire argentine ne peut se faire que par le biais d’une instrumentalisation par définition imparfaite. Certes, les métaphores sont plombées par l’honorable volonté de démonstration, mais elles ont au moins le mérite de tracer un juste portrait de l’Argentine, et plus largement d’un continent dont les veines restent désespérément ouvertes.