Quatre hommes séquestrés et torturés par au moins autant de moustachus gominés dans une maison bourgeoise aux allures gothiques. Basé sur le témoignage de prisonniers de la dictature militaire, Buenos Aires 1977 reste très approximatif et discutable pour ce qui est des événements historiques. Dans un amalgame déplaisant, Caetano renvoie pouvoir et résistants dos à dos. Seuls les innocents, apolitiques, et le peuple non engagé semblent trouver grâce à ses yeux. A croire que les groupuscules sont une minorité agitatrice et fauteuse de trouble. Le rare prisonnier guérillero est clairement présenté comme un coupable, somme toute pas meilleur que les bourreaux de la junte militaire.
Mais abandonnons la lecture historique pour considérer le film comme une simple chronique en se fiant au titre original (Crónica de una fuga). Car justement son objet est de faire disparaître le contexte en avançant vers une absurdité et une abstraction très beckettiennes. Le décor incongru y fait beaucoup : carrelage en tomettes, plafonds lambrissés et montée d’escalier élégante. Petit à petit le film se dépouille et se resserre en gros plans grisâtres, si bien que lorsqu’arrive l’évasion, l’ouverture de l’espace produit un effet très déstabilisant et presque fantastique.
C’est dans son dernier tiers, avec l’errance des prisonniers dans la ville indifférente, que Buenos Aires 1977 est le plus inventif. Vus de loin, en extérieur, transformés par la distance et l’éclairage, les quatre corps nus déboulent dans les ruelles calmes de Buenos Aires, en pleine nuit, traqués par les projecteurs des patrouilles puis glacés dans la lumière du petit matin. Caetano filme les compagnons évadés comme des morts-vivants au milieu des promeneurs du dimanche et les renvoie à un exil interminable. S’échappant du témoignage véridique, la chronique gagne les territoires d’une fiction étrange, une espèce de Dépeupleur argentin.