Dans une petite famille d’Israël, la mort du père provoque un séisme : mère qui cherche à survivre en s’épuisant dans son travail de sage-femme, enfants perdus et désorientés. Reste Maya, la plus mûre d’entre eux, qui se réfugie dans la musique et tente de s’occuper de ses frères et soeurs. Broken wings sonne comme une petite rengaine dans le cinéma indépendant singeant ses maîtres US (Jarmusch, Hal Hartley) en répétant à l’envi ses mêmes motifs : riffs de guitare lancinants, plans larges emplis de vide, poésie urbaine et déambulations plus ou moins gracieuses. Si le cinéma israélien était moins avare en bons films parvenus jusqu’à nous, Broken wings, ne serait rien de plus qu’un petit standard pas forcément honteux.
Revenu du désert, il prend cependant une importance qui, si elle lui sied mal, ne vient jamais le déséquilibrer : d’une part grâce à sa maîtrise technique qui est le signe concret d’une belle santé, de l’autre pour la justesse absolument sidérante de tous les acteurs, qui parviennent un à un à rendre acceptables les situations souvent convenues qui leurs sont proposées (la fugue, les ébats et les crises toujours renouvelées). Reste un aspect scolaire assez déplaisant : succession de scènes nécessairement utiles à la narration, absence d’air et de creux, impression que tout est mû par le désir de bien faire. Le décalage entre propos (mise en crise de la cellule familiale et élan libertaire) et application (l’impression que l’intrigue est plaquée sur un manuel de scénario) reste de fait irrésolu jusqu’à la toute fin du film, emplie d’un bon goût très formel.
La grâce surgit le temps de quelques scènes (fuite à Tel-Aviv, retrouvailles à l’aube) tandis que le souci constant de s’inscrire dans une réalité sociale et politique (les nombreux symboles qui ramènent à la configuration chaotique du pays tout entier) permet de sauver le film de la banalité. Sa dernière partie, portant à incandescence, limites et forces du film, fait monter l’émotion tout en demeurant très fine et très pudique : toujours sur la limite, avec une belle assurance en ses moyens, le film de Nils Bergman atteint son but sans que jamais ses ailes ne cassent.