Pas grand chose de nouveau à l’horizon : Bridget Jones joue toujours dans le haut du classement des comédies à l’eau de rose sans atteindre les sommets de certains (Bye bye love, Love actually) mais en trouvant un habile dosage entre auto-dérision et naïveté. Bridget a trouvé le grand amour en la personne de Mark Darcy, mais ses névroses d’éternelle vieille fille lui occasionnent une incroyable série de mésaventures. Cocasserie et burlesque aux œstrogènes, philtres d’amour improbables et poudres d’euphorie aèrent le film au maximum : vignettes, clins-d’oeils et clichés s’enchaînent en une guirlande que la mise en scène regarde passer d’un air distrait. La force de l’histoire, le rythme échevelé du journal intime suffisent de toutes façons à assurer l’essentiel : avancer dans le monde terrible et enchanté des petits tracas affectifs quotidiens.
Ce deuxième opus ne serait qu’une fantaisie sans lendemain s’il n’était porté de bout en bout par Renée Zellweger. Plus que dans ses minois et poses contorsionnées, traditionnel apparat carnavalesque de l’actrice (plus que jamais dans son rôle de fermière de Retour à Cold Mountain), se joue ici un drôle d’effet rétroactif : la fraîcheur lumineuse de la Zellweger du premier Bridget Jones (2001) semble désormais un peu passée, comme si les quatre années écoulées avaient abîmé cette innocence des sommets (elle était alors au pic de sa carrière) pour révéler une face plus émouvante du personnage et de l’actrice. Légèrement bouffie, engoncée dans ses robes ridicules, Bridget Jones déroule ici une mécanique gestuelle que le corps de l’actrice, comme devenu trop lourd pour le rôle, met en crise en un brutal retour de réalisme. Teint pâle, mines douloureuses, regards embués : une subtile mélancolie chasse le fardeau joyeux de la mascarade sans pour autant jamais perdre en finesse et en légèreté des gestes et mouvements : délicieux tressaillements, petites moues enfantines, finesse toute intérieure, sublime complicité entre l’éclat burlesque et son envers désabusé.
L’ultra-féminité un peu éreintée de Zellweger, sa grâce légèrement dépressive sont si singulières qu’elles permettent au film d’atteindre, même dans ses moments les plus faibles (le jeu de ping-pong avec Rebecca, l’apparente maîtresse de Mark), un éclat triste et diffus: plus que jamais dans la reprise, à la fin, des plans de Rebecca révélant son amour pour Bridget alors qu’ils semblaient, durant le film, parfaitement arrogants. Cette brutale inversion des enjeux, fine analyse des petites névroses du quotidien, révèle au fond la réussite d’un tel film : creuser dans la vignette une profondeur sensible que n’aurait jamais révélée le simple étalage de la mascarade. Qu’une actrice prenne en charge à elle-seule ce travail est une gageur que beauté fragile de Zellweger, toujours au bord de la rupture, du déchirement ou de la liquéfaction, rend presque toujours bouleversante.