Après une comédie injustement passée inaperçue (Séquence et conséquences, sur les turpitudes d’un tournage en Amérique profonde), David Mamet a choisi de redresser la barre en réaffirmant dans le plus grand sérieux son statut d’auteur de films noirs de haute volée. Braquages, polar austère narrant les trahisons et les coup bas d’une poignée d’escrocs sans scrupules, tente de retrouver le style sec et l’âpreté des films d’antan -tendance Asphalte jungle de Huston ou L’Ultime razzia. Tout commence logiquement par le casse d’une bijouterie : le vétéran Joe Moore et son équipe (sa femme Fran, jouée par Rebecca Pidgeon -l’épouse de Mamet-, et ses partenaires Blane et Pincus) dévalisent en plein jour la boutique pour le compte du receleur Bergman, personnage ambigu campé par Danny de Vito. Moore compte bien utiliser l’argent pour prendre une retraite bien méritée sur son voilier en compagnie de Fran. Mais Bergman, avant de le payer, l’oblige à faire un nouveau coup : dévaliser un convoi d’argent suisse. Il lui colle son neveu Jimmy dans les pattes pour le surveiller. Ce dernier n’a bientôt qu’une idée en tête : séduire Fran et s’approprier le butin.
Double jeu, trahisons, revirements à n’en plus finir : Braquages, tout en étant totalement dénué de sentimentalisme, a la structure d’un soap opera dont le leitmotiv ne serait pas l’amour mais la cupidité. Chacun est prêt à renoncer à tout pour l’argent, et la confiance est toujours provisoire. Mamet, en poussant à l’extrême ce postulat, semble s’amuser de toutes les combinaisons possibles que permettent ses personnages. Mais ce petit jeu devient vite lassant, et l’on cesse assez rapidement de s’interroger sur les motivations des héros dès lors que l’on comprend qu’ils n’ont pas d’intériorité et sont au service de rebondissements gratuits, sans le moindre intérêt. A l’image de l’avion dévalisé, cloué sur la piste, cette tentative de néo-polar ne décolle jamais. Si Mamet avait su inventer une forme qui aille également dans ce sens et transcende le genre, Braquages aurait pu devenir intéressant, en déshumanisant ainsi ses personnages, évacuant les passages obligés et les clichés habituels du polar. Mais la mise en scène est au contraire d’un réalisme soporifique : réalisateur médiocre et rabat-joie, Mamet se complaît dans les teintes grisâtres, censées souligner le hiératisme de ses acteurs. Cela donne au final un film triste, cérébral, sans chair ni attraits. Et quand au braquage lui-même, il réserve autant de surprise et d’intensité que l’intervention du plombier remplaçant le joint des toilettes.