Maintenant que le cinéma coréen est essoré par une (temporaire ?) perte de vitesse créatrice, voire par la surenchère sur les prix d’achats à laquelle ils se livrent, les distributeurs occidentaux se sont trouvés une nouvelle marotte asiatique, plus rentable pour le moment : le cinéma d’action thaïlandais. Après Ong-Bak, Born to fight franchit une étape supplémentaire dans le spectaculaire. L’effet le plus impressionnant étant la disparition absolue, passé le premier quart d’heure, de toute mise en scène. Ou de tout scénario. Passé le premier quart d’heure, mise en place d’une intrigue aussi légère que celles de la moindre production Cannon, type Delta Force (un groupe paramilitaire séquestre un village d’athlètes tout en menaçant de faire exploser une ville au missile nucléaire), Born to fight se mue en une succession de cabrioles toujours plus ahurissantes, toujours plus risquées. Le look très cinéma bis-80’s de l’ensemble va jusqu’à nous donner le sentiment d’assister à une compilation de séquences hardcore d’Incroyable mais vrai, la voix-off de Jacques Martin en moins. Pas nécessaire puisque le moindre geste de bravoure physique est présenté sous tous les angles pour assurer que tout ça a été fait sans trucages, sans fils, et que c’est dangereux. Bien, mais où est le cinéma là-dedans ? Sans doute dans ce retour à un plaisir de spectateur primitif, quand le 7e art était avant tout une sensationnaliste attraction de foire, Born to fight ne se privant jamais d’en remettre une louche avec un unijambiste, une mère avec son bébé harnaché dans le dos ou une gamine qui se lance dans d’époustouflantes démonstrations physiques.
Plus encombrante, l’étrange sensation de voir en Born to fight un sommet du film d’exploitation, au sens premier du terme. Notamment lorsqu’un village est passé au napalm, une scène purement gratuite, ou pendant le générique final en forme de bêtisier qui laisse sous-entendre que la production n’a conservé que les scènes les plus périlleuses, celles ou les cascadeurs sont visiblement en train de risquer leurs vies (comme cette course-poursuite sur les toits de deux camions lancés à pleine vitesse). Comme si, au delà du spectacle, ce film était avant tout la vitrine d’un cinéma aux moyens tiers-mondistes, prêt à tout pour s’exporter. Une hypothèse qui fait d’autant plus froid dans le dos quand on sait qu’il n’existe pas en Thaïlande de syndicats de cascadeurs ou d’autres organismes pouvant limiter la casse, qui ne semble pas prête de s’arrêter : au dernier marché du film cannois, parmi les films qui se sont le plus vendus, on trouve déjà des ersatzs d’Ong-Bak et des sous Born to fight. Mise en scène encore plus inexistante, mais surenchère de cascades toutes plus démentes les unes que les autres au programme. Après le tourisme sexuel, la Thaîlande vient d’inventer une autre forme d’exotisme voyeuriste, qui ne devrait heureusement pas prospérer longtemps si les réalisateurs de ces films ne se mettent pas à mouiller autant la chemise que les athlètes qu’ils filment, pour faire du vrai cinéma et non des bandes-démo, aussi spectaculaires soient-elles.