Aperçu dans la sélection des Lutins du court métrage, Mademoiselle Butterfly, premier film de Julie Lopes-Curval ne nous avait guère emballé. Le style elliptique et apprêté -pour raconter en 15 minutes le désarroi amoureux d’une midinette- ne semblait pas à priori pourvoir s’adapter à une structure plus longue. A cet égard, c’est peu de dire que Bord de mer est une bonne surprise. Presque une révélation, tant ce premier long métrage révèle une écriture originale et un sens aigu du découpage qui viennent à bout d’un sujet flou et périlleux.
Ce « bord de mer », c’est une station balnéaire de la baie de Somme, vue au fil des quatre saisons. Non loin des villas cossues de la petite ville, une fabrique de galets est installée sur le front de mer. Parmi les vacanciers de toujours et les notables locaux, on fait connaissance avec Marie, jeune employée de la fabrique, et Paul son copain maître nageur l’été, épicier l’hiver. Paul veut vivre avec Marie, il ne comprend pas sa réticence, se fait de plus en plus pressant auprès de cette fille mystérieuse et réservée, qui au fond lui échappe. Rose, la mère de Paul (Bulle Ogier, toujours parfaite), claque sa retraite au Casino, et observe avec distance les difficultés du jeune couple. D’autant qu’Albert, jeune patron mal dans sa peau de la fabrique dont il a hérité, s’entiche bientôt de Marie…
Bord de mer est composé de séquences courtes, découpant les temps morts, taillant dans la lenteur d’une vie indolente gagnée par le malaise. Avec beaucoup de précision et d’élégance, Julie Lopes-Curval saisit chaque détail sur le vif, fait surgir de l’événement et du geste le plus anodin un sentiment, une vérité. Frôlant l’exercice de style, mais évitant le formalisme, Bord de mer captive surtout par la manière dont les personnages existent et évoluent. Chacun, tout en gardant une part importante de mystère, trahit peu à peu ses blessures et son mal être. Un casting irréprochable, des comédiens dirigés subtilement servent un texte plein de nuances et de non-dits, écrit d’une plume très aiguisée. On espère néanmoins que la réalisatrice saura faire évoluer cette écriture si particulière, qui risquerait sinon de tourner procédé. Ce qui n’enlève rien à la réussite et au charme de ce coup d’essai.