Rien de plus agréable au cinéma que d’être surpris par un film qui s’avère l’exact contraire de nos prévisions. Ici, une reconstitution historique empesée, alourdie par un budget conséquent et un casting all stars (Adjani, Depardieu, Ledoyen…). Avec sa manière de prendre l’Histoire -en l’occurrence la France de Vichy- quelque peu par dessus la jambe, Bon voyage évite la leçon sentencieuse pour nous offrir au contraire une comédie alerte qui ne réserve aucun temps mort. Une renaissance pour Jean-Paul Rappeneau qui renoue avec son meilleur cinéma en réussissant le pari de conjuguer grands moyens et petites fins. Situé dans une période trouble -l’abandon de Paris aux Allemands et la capitulation imminente du gouvernement de Pétain face aux Nazis-, Bon voyage se sert avant tout de son cadre historique comme d’un contexte propice à créer une confusion proche de la zizanie. Starlette capricieuse, vieux ministre cocufié, jeune journaliste téméraire sont en effet les principales figures d’un film en grande partie influencé par le Vaudeville et le théâtre de boulevard. Une relativisation des événements d’autant plus agréable qu’elle se révèle d’une efficace drôlerie.
Cette manière de survoler l’Histoire à travers l’anecdotique est sans doute la plus grande réussite de Bon voyage. Même les acteurs semble être de connivence avec le cinéaste. Au bord de l’hystérie, ils sur-jouent tout du long s’autorisant même le luxe de s’auto-caricaturer (mention spéciale à Isabelle Adjani, parfaite en actrice coquette et versatile, et à Virginie Ledoyen, étudiante binoclarde passionnée). Plutôt débridé, Bon voyage accumule les mini-péripéties, les coups de théâtre, les cris et les larmes jusqu’à parvenir au chaos généralisé. Une exagération dans les effets qui ôtent au film toute velléité de fidélité historique et le plonge dans un état d’euphorie permanente. Ce qui impressionne aussi dans Bon voyage, c’est son rythme effréné qui précipite l’action dans une dynamique où chaque moment apparaît comme événementiel. Plus ambitieux qu’il n’y paraît, le long métrage de Jean-Paul Rappeneau est à voir comme un exercice de style soigné plus fondé sur le trivial et l’artificiel que sur le réel d’un passé historique. Nettement moins facile que d’enfoncer des portes ouvertes sur une période pas très glorieuse de notre passé…