A la question, le cinéma indépendant existe-t-il encore aux Etats-Unis ? Bobby G. can’t swim nous permet de répondre par l’affirmative. Loin des sirènes du très médiatisé festival de Sundance et des hypocrisies de sociétés telles que Miramax, il existe ainsi quelques longs métrages dont la fabrication relève d’un réel esprit de liberté. Tourné en 16 mm (faute de moyens pour accéder au 35) dans les rues de Hell’s Kitchen, quartier de New York que John-Luke Montias connaît bien pour y avoir travaillé en tant que barman, Bobby G. can’t swim fut financé en grande partie par les clients du bar, principale source d’inspiration du cinéaste. Cette inscription dans un réel qui fleure bon le vécu contribue pour beaucoup au charme du film. Au fil des pérégrinations du héros, incarné par le cinéaste lui-même dans un souci pratique (« »au cas où nous aurions manqué d’argent, je voulais être certain d’avoir l’acteur principal sous la main pour repousser le tournage de six mois » »), des personnages au pittoresque tragique interviennent régulièrement : la pute au grand cœur qui rêve de rentrer chez elle, le vendeur ambulant aveugle, les Portoricains qui jouent au poker à même la rue. Il y a deux visions de la rue à New York dont l’entrecroisement dans le film crée un portrait saisissant de réalisme. Si d’un côté du trottoir, la convivialité et la fraternité règnent (on pense au traitement de la rue dans le Mean streets de Scorsese), le passant ne doit surtout pas oublier que, de l’autre, c’est la violence qui fait la loi. Bobby G., dealer de cocaïne à la petite semaine, va payer bien cher l’oubli de cette consigne de sécurité.
Figure émouvante, la silhouette de John-Luke Montias, dont on suit la rapide déchéance, exhibe les stigmates du combat que livre chaque jour une frange marginale composée de SDF, de prostituées et de dealers médiocres dans une mégalopole telle que New York. Si le regard que porte le cinéaste sur ces laissés-pour-compte de l’American way of life nous émeut, il n’évite cependant pas certains écueils, dont celui d’une trop grande empathie avec son héros. Bobby G. can’t swim paye ainsi la rançon de sa spontanéité par l’absence de distance dont il fait parfois preuve. Mais au final, la sincérité du propos finit par l’emporter. Les tripes contre l’intellect ?