Après une mauvaise passe riche en nanars (Intrusion, The Man who cried, Le Chocolat), Johnny Depp opère un retour en force avec ce Blow qui, s’il ne prétend pas au statut de chef-d’œuvre, tend du moins à redorer le blason terni du comédien. Et rien de tel qu’une saga à base de stupéfiants pour vous requinquer. Le film de Ted Demme (surtout connu pour son Beautiful girls avec Uma Thurman) raconte en effet la triste -et véridique- destinée de Georges Jung (Johnny, cheveux blonds et filasses), petit trafiquant d’herbe qui gravit un à un les échelons du crime et finit par devenir le prince opulent du trafic de cocaïne (« blow » pour les intimes).
A l’instar des Affranchis et de Casino, Blow fonctionne selon une série de contrastes programmés : l’ascension et la déchéance, l’euphorie et la misère, le costard Armani et le jogging Go Sport. Une construction binaire autant qu’inégale, la rupture entre les deux parties du film marquant également une sévère chute de rythme et d’intérêt. C’est dans les instants où le fric et le champagne coulent à flots, où l’amour est scandé par l’écoulement de la came et sa consommation joyeuse que Ted Demme réussit son pari : celui d’une épopée rock’n’roll agrémentée de pop seventies et de soleil californien. On aurait aimé que Georges suive plus longtemps son parcours gentiment subversif de dealer beau, riche et heureux (espèce rare au cinéma), de malfrat qui, pour une fois, ne tomberait pas dans les pièges de l’abus sous toutes ses formes (sniffer jusqu’à se zombifier, devenir calife à la place du calife) avec les conséquences que l’on connaît (les trahisons multiples, la taule, la vieillesse prématurée et l’apprentissage forcé de la solitude). Mais les lois du genre (et de la réalité ?) sont malheureusement inébranlables…
Du côté de l’esbroufe comme du plaisir, la mise en scène fait montre d’une efficacité certaine avant de se dégonfler, faute d’une tension narrative suffisamment entretenue. La faiblesse du personnage -très secondaire- de Penelope Cruz n’est pas étrangère à cette soudaine baisse d’intensité. La nouvelle coqueluche d’Hollywood a beau faire ce qu’elle peut en bimbo pleine de coke, son rôle se limite à quelques beuglements hystérico-latinos et participe à l’impression d’enlisement dégagée par la seconde moitié du film. Si Blow ne sombre jamais vraiment (le pathétique de l’histoire parvient in extremis à nous toucher), on ne peut que déplorer ce léger passage à vide qui empêche l’ensemble de tenir totalement ses promesses de brillante photocopie scorsesienne.