Bloom est une adaptation de Ulysse. Rien que ça. A quoi bon ? Ce n’est pas la première tentative, sûrement pas la dernière. Et celle-là tout comme les autres ne semble motivée que par goût du défi ou de la performance, en tout cas quelque chose qui relève d’un désir bien vain de se frotter à Joyce. Et puis aussi, tout bêtement, parce qu’on a fêté l’an dernier le centenaire du « bloomsday », cette journée du 16 juin 1904 durant laquelle se déroule le roman. Par ce matin-là, donc, Leopold Bloom (joué ici par l’éternel endormi Stephen Rea -on imaginait Bloom bien plus rondouillard), juif de Dublin, parcourt la capitale autant qu’il entreprend une odyssée intérieure, au rythme du flux de sa conscience. Chemin sinueux où se croisent deux autres voyages imaginaires, ceux de la femme de Bloom et de Stephen Dedalus, le jeune poète.
Inutile de gloser bien longtemps sur l’évidente faiblesse de la mise en scène, qui de tant d’abnégation qu’elle voudrait insouciance, ne donne qu’une image éparpillée, sans magie ni puissance, de la sève des monologues intérieurs joyciens. Rendu riquiqui de l’écriture, of course. Acteurs qui tantôt cabotinent, tantôt laissent échapper quelques gouttes de sueur tellement leur jeu laborieux, s’échinant à démontrer par A + B combien Ulysse est un roman plein de vie, plein d’humour (en gros, une œuvre de proximité), n’aboutit qu’à une poignée de regards où se devine une gentille certitude qu’ils participent là à une grande œuvre. Le plus insupportable finalement est l’impression d’assurance du cinéaste, bien décidé à montrer qu’avec un peu d’astuce, d’espièglerie, faire du cinéma joycien est à la portée du premier venu. D’emblée il a tout faux, pareille démarche (Joyce pour les nuls) relève d’une innocence pédagogique inconséquente et vaseuse. D’emblée, parce que le projet ne semble motivé que par le désir de « démocratiser » un monument de la littérature. Ça veut dire quoi, « démocratiser » ? Rien, bien sûr.