Après le Paris-Dakar, nouveau safari de petits blancs en Afrique. Léonardo DiCaprio joue les mercenaires sévèrement burnés en pleine guerre de Sierra Leone, assisté d’une gentille victime autochtone et d’une journaliste citoyenne du monde. Blood diamond, c’est un peu Le Bon, la brute et le truand sans virtuosité ni cynisme. Restent le souffle picaresque et le trésor, un diamant gros comme un oeuf.
L’aventure s’avère une structure bien pratique pour Edward Zwick qui procède comme s’il montait une commode Ikéa. Les montants sont occidentaux (spectateur, nous t’invitons à réfléchir à ta part de responsabilité), les panneaux dénonciateurs (la guerre, les enfants soldats et les déplacements de réfugiés, c’est moche, mais tellement excitant à filmer), les clous psychologiques (où l’on apprend que la sauvagerie est issue d’une multitude d’injustices sociales et de coeurs brisées, n’est-ce pas Léo ?). Blood diamond a franchi une étape dans la saga africaine à Hollywood. La dernière sans doute, puisque après trois ou quatre films à thèse, on sert déjà le best of.
C’est qu’Edward Zwick confond grand sujet et compilation. De son film ne ressort qu’une carcasse rapiécée à la chair préfabriquée. Cela vient évidemment de son côté faiseur. On le répète, Zwick n’est ici qu’un assembleur, au mieux un parfumeur, sa grammaire n’allant pas plus loin qu’un académisme classe, dans l’air du temps. Leonardo DiCaprio mâchouille un accent afrikaner de studio, Djimon Hounsou s’en tient au registre du bon sauvage gaulé comme un top modèle, les décors semblent interchangeables. On a peine à croire que le film a été tourné au Mozambique et en Afrique du Sud tant le paysage fait tapisserie.
Pas de cynisme réel, juste une indifférence chronique qui finit de rendre l’ensemble encore plus insupportable. Car malgré ses velléités dénonciatrices, le film flirte avec l’inconscient colonialiste. Jennifer Connelly amadoue des autochtones à plumes et kalachnikov à la manière d’un général yankee refilant de la verroterie à un grand chef apache, les Africains frisent la naïveté débilitante (un redresseur d’enfants soldats en approche un, armé jusqu’aux dents, comme un vulgaire ado à problèmes). « TIA » (« that is Africa ») conclut, mourant, DiCaprio dans un malaise formaté, à la fin du voyage. Une devise aussi profonde que ce hurlement de 2h22, aussi subversif et ambigu qu’un concert des Enfoirés.