Margaret Thatcher a fait bien plus de dégâts qu’on ne le croit. Non seulement la bien-nommée Dame de Fer a mené une politique dévastatrice, en particulier au niveau de l’emploi, mais cette même politique a conduit à la réalisation de films désastreux. Car à côté des œuvres de Ken Loach (avant qu’il ne se transforme en VRP des luttes sociales internationales) ou encore celles de Stephen Frears (première période également), il existe pléthore de films folkloriques où le chômage endémique de l’Angleterre (post-)thatchérienne n’est qu’un prétexte pour des pamphlets larmoyants (exemple : Les Virtuoses) ou de lourdes comédies (du type The Full Monty). Ces deux films lient péniblement le retour d’une dignité perdue à l’exercice d’une discipline « artistique » ; fanfare des gueules noires pour le premier et spectacle de Chippendales du pauvre pour le second.
Billy Elliot avec un sujet proche -un gamin, un fils de prolo, veut absolument devenir danseur de ballet classique sur fond des grandes grèves des mineurs de 1984- laissait craindre le pire. Et pourtant, cette fois-ci, l’alliance lutte sociale et danse fonctionne plutôt bien. Car le film, même s’il s’inscrit dans le collectif (affrontement entre policiers et mineurs, revendications ouvrières), s’attache avant tout à retracer le parcours individuel de Billy (Jamie Bell) et de son désir inébranlable de devenir un danseur. A la limite du misérabilisme -Billy habite dans une région sinistrée, il n’a plus sa mère, son père et son frère sont en grève, sa grand-mère est à moitié folle-, Billy Elliot réussit pourtant à éviter la plupart des écueils des films sociaux anglais de ces dernières années : démagogie et sentimentalisme. La plupart mais pas tous ; le film n’échappe pas à certaines facilités, du type tutu égale forcément « pédé » chez les ouvriers. Et, surtout, il aurait pu se dispenser de quelques scènes un peu trop lacrymogènes où le pathos malsain l’emporte sur l’émotion (en particulier, celles qui concernent le père prêt à vendre les bijoux de sa femme et même à devenir un jaune pour pouvoir payer les études de son fils). Naturellement, c’est extrêmement mélo, certains marcheront, d’autres pas et trouveront ça manipulateur mais Billy Elliot est certainement (ce n’est pas difficile) l’un des meilleurs films anglais de l’année.