Betty Fisher commence comme un récit-carrefour où s’entrecroisent deux histoires qui vont peu à peu se fondre l’une dans l’autre. La première est celle de Betty (Sandrine Kiberlain), écrivain de talent et célibataire découvrant les joies de la maternité avec son fils de 4 ans. La seconde est celle de Carole (Mathilde Seigner), serveuse prolétaire délaissant son enfant au profit des aventures de quartier. Cette opposition grossièrement mise en place, le film ne va cesser de tisser des liens entre deux univers que rien ne devait rapprocher. Le fils de Betty meurt. Celle-ci récupère malgré elle l’enfant de Carole que Margot -la mère psychotique de Betty- a enlevé pour son bien. Betty retrouve peu à peu le désir de vivre. Faussement complexe, la narration de ce schmilblick avilissant est alors le prétexte à une succession de saynètes épaisses et poisseuses.
On retrouve dans Betty Fisher beaucoup de ce qui énervait tant dans Le Lait de la tendresse humaine ou Chaos : faux travail d’auteur (la folie, la névrose, les gros plans bergmaniens sur des visages transparents) qui se donne des allures de film de genre coup-de-poing. Au bout de quelques scènes lourdement psychologiques, pleines d’un malaise familial étouffant, Miller laisse libre-court à toutes les facilités. L’intrigue se perd dans l’anodin, le grotesque, le caricatural, en oubliant complètement son sujet en route (réapprendre à aimer un enfant). Le sujet intime du scénario, comme dans les films de Cabrera ou Serreau, sert moins de matière à épanouir que de cadre creux, prétexte « noble » n’ouvrant que sur du vide ou du vent : rédemption d’une petite bourgeoisie de gauche, torrent de clichés d’un autre temps (l’écrivain, la mère putain , le gigolo, l’immigré perdu, les acheteurs russes), enlisement dans un discours tape-à-l’oeil et racoleur qui n’a d’autre fonction que d’étaler sa vacuité.
Profondément réactionnaire, Betty Fisher est une sorte de pâtisserie indigeste, écoeurante, pleine de bons mots gratuits (Edouard Baer est de la partie, dans un rôle plus fumiste encore que celui de Dieu est grand, je suis toute petite) et d’effets polardeux à peine digne du plus rance des épisodes de Navarro. Pas une scène entre Betty et son « deuxième » enfant ne se propose de travailler la relation mère/fils. Miller préfère les intrigues parallèles, les quiproquos, le rattrapage lâche et les purs effets de gimmick qui donnent au film une sorte d’allant artificiel et nauséeux. Rien d’autre ici que du tout-fait, du formaté, un déballage de lieux communs sans intérêt. Outre son talent à broder autour du fait divers avec une complaisance des plus morbide (la violence est partout, tapie dans l’ombre des ghettos), Miller affiche dans Betty Fisher sa place usurpée de metteur en scène respectable du cinéma français : plutôt un mauvais artificier dont la nonchalance sénile étale aujourd’hui toute son ineptie.