Quand Don Simpson était vivant, les choses étaient plus simples : dans son association de producteur avec Jerry Bruckheimer, on savait qui était le mogul aux idées ravagées, qui était le stratège tempéré. A Simpson, les légendes les plus dépravées – on raconte qu’il aurait été retrouvé mort assis sur un trône (ses chiottes en or), d’une overdose de 21 drogues différentes ! – et la responsabilité des bides extravagants du team (Voleur de cœur, Jungleground). À Bruckheimer, celles de la réussite des Flics de Beverly Hills ou Top Gun.
La disparition de Simpson a flouté l’image de Bruckheimer capable de produire des loukoums familiaux (Pearl Harbor, Pirates des Caraïbes), comme des produits ambitieux (La Chute du faucon noir, les séries CSI), dégénérés (Bad Boys II ou Skin, série télé inédite chez nous sur fond de porno), le tout avec la même démesure. On notera toutefois que depuis quelques films, il cherche à être adoubé par le clan Disney, à coups de lénifiants films de sport (Le Plus beau des combats) ou en édulcorant sérieusement les combats du piteux Roi Arthur, histoire de plaire à sa majesté Mickey. Benjamin Gates… est à inscrire dans cette collaboration.
Dans le contexte d’une Amérique en quêtes de valeurs traditionalistes pour la sortir de la crise post-11-Septembre, quoi de plus fédérateur qu’un héros à l’ancienne, redorant le blason d’un pays blessé dans sa chair ? Bruckheimer offre à ses commanditaires un Indiana Jones pour les années 2000 en la personne de Benjamin Franklin Gates (ce nom !). Agrémenté d’une sérieuse part régressive, quand ce grand dadais est le dernier descendant d’une grande famille protégeant les trésors nationaux, comprendre des fondations même de la civilisation yankee, qui, selon un scénario abracadabrantesque, seraient issus de francs-maçons ! La vraisemblance de cette course-poursuite n’a aucune d’importance quand c’est dans les loges des Serials que s’installe ce film aussi abruti qu’inoffensif, Bruckheimer essayant ici d’offrir à Disney un nouveau signe d’allégeance avec un gros film pouvant rassembler à Noël tous les publics, autant les nostalgiques d’héroïsme rétro que les lecteurs du Da Vinci Code -dont le scénario peut passer pour une version « pour les nuls ». Pas de quoi se fâcher tellement ce film est risible, aussi inoffensif qu’un Serial des années 30 vu d’aujourd’hui. Le charme en moins, évidemment.