Le père d’Oliver, qui a fait son coming out sur le tard, est sur le point de mourir d’un cancer. On le sait parce qu’Oliver nous l’a raconté via un montage photo tout plein de trouvailles concocté sur son MacBook Pro flambant neuf. Par exemple, pour dater le mariage de ses parents, hop il glisse une photo de Roosevelt ; pour montrer l’esprit de famille des années 50, clic, un Norman Rockwell… C’est que, voilà, Oliver est illustrateur professionnel, un « créatif », comme on dit dans la pub.
Le conformisme effrayant de Beginners, objet incroyablement péteux dont la naïveté suprême consiste à se croire unique, est au diapason. Conçu comme fantasme ultime pour un public distingué qui n’aime rien tant que se lover comme un toutou dans sa niche sociologique, Beginners vaut pour sa dimension d’objet témoin du début des années 2010 : s’y déploie, sans la moindre bribe de dérision, la réclame de la vie rêvée des bobos californiens (les soirées déguisées, les petits chiens, les sorties au restau et les jolies voitures rétro) et du narcissisme blogueur (le film, évidemment, est à la première personne – sacre définitif de l’« intimité », résumée en diaporamas).
Le récit du père homosexuel est emblématique, écrasant la romance parallèle d’Oliver avec une actrice française (Mélanie Laurent, dont tout le talent se concentre dans sa capacité à creuser les fossettes et rouler des yeux) : digne face à la mort, enclin à l’ouverture et au dialogue, c’est un fantasme d’ancêtre spirituel conçu pour le monde moderne, icône immaculée du bien et en même temps ostensiblement en marge du troupeau par son appartenance revendiquée à la tribu homo. Cliché publicitaire parmi d’autres, dans ce film où tout, de l’instabilité amoureuse à la préférence sexuelle, est griffé, réductible en clichés et petits traits d’esprit facebookien. Bienvenu dans l’horreur 2.0.