Film de commande pour Travolta doté d’un rocambolesque scénario de série B, Basic ressemble à oeuvre de transition dans la carrière mouvementée de John McTiernan. Brimé, fatigué par ses multiples et exténuants démêlés avec les studios lors de ses deux précédentes réalisations – Le Treizième Guerrier et Rollerball, déchiquetés mais réussis quand même au prix d’une rage qui s’impose envers et contre tout, d’une poignée de scènes majestueuses emportant tout sur leur passage -, le cinéaste revient avec un projet modeste qui ne se prive pas pour autant ni d’une signature ni d’une certaine noblesse. La séquence d’ouverture, où la beauté flottante (un hélicoptère battu par une pluie diluvienne volant tel un gros insecte noir au-dessus du canal de Panama) est brutalement contredite par une scène d’action lourde suintante (des militaires courent et se tirent dessus au beau milieu d’une jungle) dit à peu près tout le film : retour au primal, au corps à corps saignant, doublé d’une volonté de conserver élégance et hauteur de point de vue malgré l’attirance pour le sol, la boue.
Basic est une sorte de Rashomon en treillis : Au cours d’un exercice militaire dans la jungle panaméenne, des soldats disparaissent, et parmi eux un gradé brutal et sadique (Samuel Jackson). Les deux survivants, interrogés par un ancien ranger alcoolique et supposé corrompu (John Travolta), confrontent leurs versions des faits. Action centripète (les incessants retours vers la jungle, au prix de flashs-back parallèles et contradictoires) et huis-clos étouffant (les interrogatoires) sont les deux pôles du film entre lesquels McTiernan et le spectateur naviguent en temps réel. Mais bientôt, le rythme de l’incertitude et le balancement (entre les lieux, les versions) se fait si ample qu’il n’est plus possible de revenir en arrière et de se fixer sur un lieu, un discours ou une vérité stable. A ce moment, Basic livre ses plus belles scènes quand il s’agit de mettre en scène cette instabilité touffue : phrases-clés rendues inaudibles par le vrombissement d’un moteur, entremêlement de lignes (la pluie), de points (les lumières de la base militaire) et de cercles (l’hélice d’un avion plantée au milieu du champ). Tout se brouille jusqu’à un dénouement d’une folie extrême et dérisoire filmée avec une limpidité retrouvée (les personnages révèlent la supercherie avachis autour d’une bière). Basic n’est pas un grand film, ce n’est pas non plus un film sans grandeur.