Il y avait toutes les raisons de redouter ce Bang Gang aux promesses bien putassières. D’abord, le label peu rassurant avec lequel il débarque dans les salles : celui du film « transgressif » sur la jeunesse d’aujourd’hui, drapé dans tous les codes générationnels disponibles sur le marché (partouze, techno, réseaux sociaux). Ensuite, le souvenir embarrassant d’un précédent film, court celui-là, de sa réalisatrice Eva Husson: Those for Whom It’s Always Complicated, parfait spot de pub pour American Apparel, à l’existentialisme mou et aux tics indé dévitalisés.
Husson adapte ici un fait divers lui-même pas très original, qui vit une bande de lycéens américains désoeuvrés se lancer dans l’organisation d’orgies festives. On connaît les impasses au-devant desquelles se jette un teen movie français qui rêve trop d’Amérique : un pied dans le terroir naturaliste et l’autre dans un imaginaire inaccessible, ce genre de film se condamne à errer dans une twilight zone rarement productive – cas d’école : Simon Werner a disparu, il y a six ans déjà.
Mais malgré sa nette propension à la minauderie, Husson ne se laisse pas égarer par ce désir malavisé : de sa bande de jouisseurs maladroits et sans gêne, elle ne fait ni des dieux (comme chez Gus Van Sant) ni des rock stars (comme chez Larry Clark). Au contraire, tout le programme de Bang Gang consiste à trivialiser avec douceur les us et coutumes licencieux de ses personnages, de s’en faire le révélateur superficiel et en cela bienveillant : on comprend ainsi très vite que si tout le monde baise avec une insouciance crâneuse, c’est surtout parce qu’il n’y a pas grand chose d’autre à foutre. Au fond, la demi réussite de Bang Gang doit tout à ce manque frappant d’ambition, à cette manière de rester constamment à la surface des choses, de n’en sonder ni les accès tragiques ni les angles morts existentiels — de se laisser séduire par des jolis corps (à peu près le seul horizon de la caméra de Husson) pour se lover ensuite dans des leçons de vie rassurantes (les partouzes c’est cool, mais on n’y trouve pas forcément le bonheur).
Il y avait pourtant là un vrai sujet, que le film effleure comme tout le reste sans jamais le creuser : celui d’une jeunesse en quête d’une représentation mythologique d’elle même. Un simulacre qu’elle s’efforce de mettre en scène (capturant ses ébats sexuels sur smartphone, les consignant sur un site internet donnant au film son titre) mais qui précisément peine à s’incarner. À son meilleur, le film parvient à se faire le portrait terne mais plus émouvant qu’il n’en a l’air d’une génération qui, ne lésinant pas sur ses plaisirs, passe néanmoins à côté de sa grandeur. Le film, ainsi, ne pourra guère que refermer platement son récit en se laissant rattraper, d’un côté, par le fait divers dont il s’inspire (tout le monde se fait gauler et retient la leçon), de l’autre, par l’appareillage conventionnel du teen movie (la bonasse du lycée craque pour le timide, la grande gueule en a gros sur la patate parce que maman lui manque). Toute à sa mayonnaise lubrique sans conséquence, Husson fait, au fond, de la désillusion de sa meute d’ados le garde fou paresseux de son coup d’essai. Devant comme derrière la caméra, Bang Gang finit dès lors par rendre compte d’une même certitude blasée et démissionnaire : celle de ne pouvoir être à la hauteur de ses lointains rêves de premières fois.
Le gang bang « (dérivé de l’anglais gangbang) est une pratique sexuelle où un sujet réceptif a une relation sexuelle avec plusieurs partenaires, simultanément ou à la suite. Il s’agit d’une forme particulière de sexualité de groupe. » wiki…