Entre léger agacement et profonde irritation Barry Levinson ne nous a jamais inspiré le moindre sentiment positif. L’enthousiasme n’était donc pas vraiment au rendez-vous lorsque l’on s’est rendu à la projection de ce que l’on pensait être l’énième production d’un tâcheron hollywoodien. Et miraculeusement, Bandits a fait fondre nos préjugés comme neige au soleil. Toujours un ton au-dessus ou en dessous, cette surprenante comédie n’est, en effet, jamais là où on l’attend.
Après une rocambolesque évasion à bord d’une bétonneuse les ex-prisonniers Joe (Bruce Willis) et Terry (Billy Bob Thornton) ont un besoin urgent de liquidités et s’improvisent braqueurs de banque. Loin des vulgaires gangsters, leur modus operandi fait, en effet, d’eux de véritables gentlemen braqueurs. La veille au soir, ils se présentent au domicile du gérant de la banque et passent la soirée avec lui et sa petite famille. Ce n’est que le lendemain accompagnés de leur bien involontaire hôte qu’ils pénètrent, sans aucune violence, dans les locaux. Cette méthode, pour le moins inhabituelle, leur a valu le surnom de « Visiteurs du soir » dans les médias ainsi qu’une incroyable célébrité à travers tout le pays. Les deux compères, avec une déconcertante facilité, dévalisent ainsi quelques coffres histoire de financer leur projet : ouvrir un resto au Mexique. Un rêve qui semble à portée de main lorsque leur route croise celle de Kate Wheeler (Cate Blanchett dont la première apparition à l’écran, en tant que femme au foyer hurlant un tube de Bonnie Tyler pour se donner la force de préparer le repas d’un mari qui s’en contrefout, vaut à elle seule le détour). Avec cette ménagère esseulée le duo devient trio puis « ménage à trois ».
Sympathique road-movie qui pille au passage un certain nombre de classiques du cinéma américain (au hasard New York-Miami, Bonnie end Clyde…), Bandits adopte un ton résolument décalé. Un kidnapping se mue en comique repas de famille, un braquage en farce, Barry Levinson a l’art de nous surprendre. Son film tout en ruptures bénéficie de surcroît d’un casting au charme indéniable. On aurait bien évidemment aimé que l’hypocondrie de Terry soit moins exploitée, que le versant Jules et Jim du film soit moins frileux. Mais pourquoi tant exiger ? La folie douce, l’inoffensive excentricité, qui traversent Bandits dénotent suffisamment dans un paysage cinématographique formaté.