Après avoir patienté plus d’un an dans les tiroirs de Miramax, et au passage changé de distributeur français, Bad Santa a failli voir son arrivée en salles encore repoussée : non seulement les ayants-droits du Père Noël est une ordure ont très peu apprécié que l’affiche apparue sur les colonnes Morris détourne le titre du film du Splendid, mais une association familiale les a également menacés de bloquer sa sortie, pour raison de crime de lèse-icône. On peut très raisonnablement supposer que ses membres n’ont pas vu le film de Terry Zwigoff, produit par les Frères Coën. Bad Santa est un exemple de produit mensonger. Certes, on y voit bien un pauvre type déguisé en Père Noël saccager toute une imagerie bonhomme en entachant le héros porté aux nues par Tino Rossi d’une sérieuse dose de débauche qui a pu effrayer les culs-bénis. C’était oublier que dans la hotte il y avait un cadeau-surprise : ce sacro-saint et intouchable esprit de Noël qui vient gâcher un réjouissant moment de paillardise.
Bad Santa, c’est avant tout une fable autour de la rédemption, comme Hollywood en a offert beaucoup, des classiques de Capra à Will Ferrell en Elf ou Jim Carrey en Grinch. Dommage pour une première heure habitée par un vigoureux mauvais esprit épinglant méthodiquement les principaux tabous de l’Amérique WASP. Les blacks, les nains, le cul, les vieux, les mômes et les enfants y sont solidement enguirlandés par un politiquement incorrect salvateur, incarné par un Billy Bob Thornton, une fois de plus épatant en échantillon white trash. C’est d’ailleurs ce qui a du séduire Zwigoff, auteur des sensibles Crumb et Ghost world dans le projet : raconter à nouveau le triomphe d’un loser. Sauf que ce qui était intéressant dans ses films précédents vire ici à une encombrante sensiblerie contredisant dans un épilogue mielleux le discours à l’oeuvre jusque là. Vu son quota de rigolade, Bad Santa n’est pas complètement une arnaque. Disons qu’il aurait été préférable d’en faire un film avec Adam Sandler signé par n’importe quel tâcheron.