Disons-le tout net, Astérix et Obélix, l' »énorme » adaptation française de la bande dessinée, n’est pas le film laid et grivois (gaulois, donc) que les affiches sur les colonnes Morris laissaient supposer. C’est une surprise. C’est la seule. Qu’est-ce qui fait défaut ? Ce n’est pas le scénario, plutôt plaisant, pot-pourri d’intrigues d’anciens albums (« c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes »), dont la principale : le romain Détritus (Benigni, rigolo, c’est le seul) enlève Panoramix, le druide, pour obtenir le secret de la potion magique et l’utiliser contre César. Non, ce qui gêne, ça n’a l’air de rien comme ça, c’est le constat tristounet que, petit à petit, la comédie populaire succombe à l’inertie et oublie, par fainéantise, d’exalter, ce qui faisait jusqu’alors sa force, le corps du comique et la dépense physique pure (ce qui, ici, avec le prétexte de la potion magique, est doublement dommage). C’est aussi que les comiques le sont moins et se la jouent comédiens, qu’ils préfèrent, de fait, le verbe au geste, c’est à dire se trouver un texte bien dialogué, plutôt que se trouver un corps et apprendre à bouger dedans. C’est, certes, moins fatigant. Osons dire, même si on prêche dans le désert, que Christian Clavier est un mauvais comique (et pas forcément un fameux comédien) pour ces raisons-là. Il ne sait pas bouger (ce n’est pas s’agiter) et n’a rien retenu de l’art du décalage ou de la poésie burlesque, disons (pour ne pas remonter trop loin) de De Funès, son maître. Mais c’est qu’il joue, semble-t-il, juste. Astérix, n’est-ce pas, est un rôle sérieux.
Osons dire aussi que le tandem Clavier-Depardieu, après un désastreux premier essai (Les Anges-gardiens de Poiré), n’a toujours pas trouvé le bon rythme. Il ne suffit pas de réunir un gros et un maigre pour obtenir la formule magique de Laurel et Hardy ou de Keaton et Arbuckle. Pour faire illusion (du mouvement), dans Astérix, on découpe, on découpe à mort. Le long plan large est banni. Ainsi, le gigantesque décor de Jean Rabasse (La Cité des enfants perdus), à la base conçu comme un espace vivant, de circulation des corps, de ballets effervescents, reste, comme on est chez Zidi, et pas chez les Tati (Jacques ou Barbès), à l’arrière-plan, un décorum, le tampon « Gaule poétique », qui donne son authenticité au projet. Autre manière d’illusion du mouvement et de la frénésie des corps : le trucage numérique, grande fierté des auteurs (Zidi-Berri), qui a permis notamment le vol des soldats romains dans les airs sous les coups des gaulois imbibés de potion magique et la séquence arène, dans laquelle Astérix est confronté à une multitude d’animaux dangereux. Constatons simplement, encore une fois, qu’un Keaton ou qu’un Chaplin n’avaient guère besoin de découpage ou de numérisation pour construire d’hilarantes scènes d’acrobaties invraisemblables, pour le premier, ou de cage aux lions, pour le second. C’est qu’on fait faire aux effets spéciaux ce que les acteurs ne font plus, ne savent plus faire dans la comédie : tout simplement bouger.