D’abord merci, merci à Thomas Langmann et ses associés, merci de travailler bravement à la cohésion gouvernementale en évitant un grave remaniement ministériel : le PDG de France S.A. ayant décidé de noter au mérite son team d’employés, la ministre de la culture peut respirer. Elle qui sera notée, entre autres, sur la part de marché du cinéma français, peut se frotter les mains et poursuivre sans états d’âme ses opérations commando contre le cinéma : avec ses millions d’entrées, Astérix aux Jeux Olympiques devrait lui assurer un bon score. C’est donc une formidable réussite d’entreprise qui s’annonce, et ses initiateurs devraient logiquement pouvoir se goinfrer. C’est un stratagème marketing infaillible puisqu’il est basé, comme Les Bronzés 3, sur la propension du public reconnaissant à user de cette imparable logique : « C’est sans doute de la merde, mais je vais quand même aller goûter ». Et puis comme à la télé ils disent qu’il faut y aller, pas question de désobéir. Surtout qu’avec le budget annoncé (78 millions d’euros), on finirait pas se sentir coupable de ne pas supporter l’effort de guerre, et de ne pas y contribuer, un peu comme un impôt.
Il faut quand même parler du film qui passe sur l’écran. Le précédent épisode, réalisé par Chabat, était plutôt bon, on le sait. Là, on s’attendait à un film dégueulasse, surtout avec Frédéric Forestier (à qui l’on doit l’ignoble Boulet) co-crédité à la réalisation. Il l’est par bien des aspects, mais pas entièrement. Le sommet de la honte, c’est Delon, affligeant. Ce n’est pas un scoop, certes. Quand même, ce type était une star, beau comme un dieu, sa carrière fut loin d’être reluisante, mais enfin elle comptait quelques moments héroïques. Là, quand il commence un monologue composé de titres de ses plus célèbres films, c’est Visconti et Melville qu’on assassine, et ça fait mal au ventre. Quand on voit Delon ou Depardieu dans de telles entreprises, a fortiori côte à côte, ça fait tout drôle : on pense à Pialat, Visconti, Ferreri, Melville, Resnais… on garde un arrière goût de mauvais goût dans la bouche. Bizarre : quand on voit Max Von Sydow dans Rush hour 3, on pense un peu à Bergman, mais ça ne fait pas du tout le même effet. L’élégance française n’est décidément plus ce qu’elle était.
Le comique du film est agencé selon des critères d’âge, de catégories socio-professionnelles et de nationalités des consommateurs. Spectateur de France, viens bouffer, viens. On t’a mis tes croquettes préférées, du Canigou premier choix : ces vedettes dont on a décrété que tu les aimais, elles sont là ; et puis amène tes gosses, on a pensé aussi à eux. Du coup, ça balaie large : il y a beaucoup de choses pour les petits enfants, d’autres pour les plus grands, et des acteurs (au sens large) internationaux pour l’export. Rien d’intéressant ni d’efficace, rien qui ne joue sur autre chose que la connivence supposée avec les spectateurs, les anachronismes de cour de récré, les facilités du contemporain. L’ensemble est benêt, le scénario est faible, les dialogues sont mauvais, et le dernier morceau du film est une gerbatique publicité longue de 20 minutes sur le modèle de ces spots où des sportifs viennent jouer ensemble au ballon en faisant semblant de s’amuser, ou discutent autour d’un terrain de rugby. C’est vrai qu’on n’a pas le souvenir d’avoir eu sous les yeux une chose pareille, une longue scène sans aucune narration, conçue explicitement comme une publicité (d’habitude, la pub, c’est avant le film) ou un de ces machins d’émission de télé qu’on aperçoit entre deux coupures de pub, conçus pour donner l’impression au brave spectateur qu’on lui fait un cadeau. C’est un peu le message marketing véhiculé par le film : vous faire sentir que chaque instant du film est un cadeau que l’on vous fait, que vous êtes exceptionnel et privilégié. C’est bon de sentir que l’on a pensé à chacun de nous – autre slogan possible du film : « le président, c’est bébé ».
La mise en scène est nulle, mais on lui sait quand même gré de n’être pas la bouillie charcutière que l’on redoutait, avec un découpage mitraillette, de la brutalité partout, de l’agression au kilomètre. Non, c’est plutôt calme, plat, incolore et insignifiant, mais calme. Ça en devient un problème : quel ennui ! Par contre, Poelvoorde est pas mal, et Cornillac plutôt bon, lui qui contrairement à Clavier, qui jouait du clavier (debout), s’échine à interpréter vraiment le personnage d’Astérix (mimiques, etc.). Voilà, Astérix, c’est de la merde, mais c’est moins pire que Les Bronzés 3, c’est déjà ça.