Voici un nouveau film d’action américain sans queue ni tête, qui n’apporte absolument rien et ne mène nulle part. Il est vrai que les flingues qui partent dans tous les sens font paraître le temps moins long durant ce film complètement creux, mais ce genre d’artifices lasse assez vite. Afin de ne pas faire bailler le public une seule seconde, la solution adoptée ici par le cinéaste pousse-boutons hollywoodien -dont on se soucie cinquante fois moins du nom que de ceux des deux premiers rôles- est des plus banales… Nous avons donc droit à une série de coups de feu s’en allant crescendo pour finir au bout d’une heure et demie en gigantesques explosions. En gros, le maigre scénario d’Argent Comptant n’est qu’une minable excuse pour faire du déjà vu. Un petit truand sans envergure se retrouve embobiné dans une affaire de diamants volés, et se voit soudain aidé par un journaliste piteux voulant refaire sa carrière grâce à un scoop. Après Nick Nolte et Eddie Murphy dans 48 Heures, le nouveau duo noir-blanc américain arrive sur les écrans.
Sous leurs apparences dévergondées, les deux personnages sont soumis à un politiquement correct à donner la nausée. La figure du noir américain est ici représentée par des malfrats de toutes envergures, dont Chris Tucker -un des deux rôles principaux- qui, au final, n’est pas si vilain que cela puisqu’il sort sans cesse des vannes faisant rire tout le monde. Ses amis, gangsters bien plus imposants, sont au départ plutôt effrayants mais au bout du compte, des types vraiment sympas qui font tout sauter à coups de bazooka pour la bonne cause. Quant à la seconde moitié de notre petit couple -c’est à dire Charlie Sheen- c’est un gars de la haute… Un bon type bien propre sur lui se penchant soudainement sur le cas d’un looser par pur intérêt (mais avec une petite pointe d’humanisme, bien sûr). Le duo de choc est dès lors formé et va traverser toute une série de coups de poings dans la gueule, d’explosions et de blagues vaseuses afin de terminer sur un merveilleux mariage (hétérosexuel voyons, Chris Tucker n’est que garçon d’honneur).
Voilà (encore) un bon US film puant la discrimination raciale. Le noir américain nous est principalement décrit comme un Oncle Tom toléré parce qu’amusant. On a l’impression ici de faire un bond de vingt ans en arrière, à l’époque où les fougueux acteurs de blaxploitation étaient démodés et se voyaient contraints de laisser place à des marionnettes manipulées par Hollywood (Chris Tucker est ici la copie conforme d’Eddie Murphy).
Les deux milieux représentant les communautés ont naturellement été piochés dans les extrêmes. Un repère de gangsters où l’on peut trouver de tout (armes à volonté, drogue, alcool, partouzes…) pour les noirs, et une villa de milliardaire, où tout le monde est bien propre pour les blancs. Seulement, afin de bénéficier de la couverture de son ange gardien Charlie, Chris Tucker doit pénétrer l’univers des blancs. Mais mon Dieu ! Comment donc se fait-il accepter ? Eh bien en se faisant passer pour un métis (ce n’est pas un si mauvais bougre au fond). Un autre détail, tout aussi odieux, se laisse entrevoir lorsque Tucker emmène Sheen dans un repère de gangsters noirs. En pénétrant dans l’antre du big boss qui leur revendra des armes par la suite, nous pouvons entendre -pour accompagner l’image d’un noir en train de se défoncer- un morceau issu de la bande originale du film Superfly. Cette chanson de Curtis Mayfield, qui dans son contexte original porte une signification forte, est en fait ici complètement détournée. On peut y entendre dans le refrain « I’m your pusher, man », ce qui signifie mot à mot « je suis ton dealer, mec », mais « pusher » est un mot à double sens et signifie aussi celui qui entraîne (dans la drogue, la débauche)… Un morceau, dénonçant à la base une certaine catégorie de personnes, se retrouve ici détourné pour illustrer le seul aperçu de la communauté noire américaine dans ce film. Mais ces gangsters ont beau être présentés comme des salopards effrayants, ils porteront une grande aide à nos deux héros à la fin du film, juste histoire de faire partie du clan des gentils. La discrimination raciale d’Argent Comptant reste donc de ce fait bien latente, voire même à peine camouflée.
Le politiquement correct est une arme à double tranchant, d’autant plus dangereuse parce qu’extrêmement propre en apparence… ce n’est pas nouveau.