Lorsque que Camille (Catherine Deneuve) apprend que son fils s’est tué dans un accident de voiture, tout s’effondre. Mais Camille, bourgeoise divorcée, tente de faire face et va jusqu’à s’occuper, et même couver le conducteur responsable de la mort de son fils, Franck (Thomas Dumerchez), le meilleur ami de son fils, jeune homme d’origine portugaise et de milieu social modeste. Il y a dans le début de Après lui une manière de prendre en charge les larmes assez inédite dans un cinéma français généralement peu enclin au lyrisme et au mélodrame. Il y a bien quelque chose de maladroit, de pataud, mais comment reprocher à Gaël Morel ce qu’on aime généralement chez Spielberg : une façon naïve, têtue et rentre-dedans de se colleter au drame, avec ce rien de théâtralité qui fait sortir le cinéma de son ornière strictement réaliste. On avait envie d’aimer Après lui et on se disait que, peut-être, on tenait là un film français qui n’avait pas peur du ridicule et osait humblement une forme d’excès lacrymal que peu de cinéastes savent exploiter. Pourtant, il faut vite déchanter puisque le film de Gaël Morel finit rapidement par perdre le mince crédit qu’on lui prêtait. Il faut voir pour le croire les clichés véhiculés sur les classes prolétaires, jusqu’à cette hallucinante scène de café où une sorte d’écrivaillon sociologue décrit une bagarre entre un client et un patron de bar que précisément nous sommes en train de voir. Ethnologie des pauvres vus comme des animaux, des sujets d’études desquels on reste à distance ou de simples chevilles scénariques.
Morel et son scénariste Christophe Honoré peinent à faire exister les personnages secondaires, dont aucun n’a un dialogue digne de ce nom, en particulier lesdits pauvres donc, incapables de se défendre par des mots, tout juste réduits à s’en aller sagement quand la bourgeoise incarnée par Catherine Deneuve leur crie « dégagez, dégagez ! ». Sans doute y a-t-il beaucoup de candeur ici, aucune méchanceté de la part du réalisateur. Il n’empêche, le mal est fait et le film suinte peu à peu l’affect de classe presque à son corps défendant. Car Morel n’a manifestement aucun point de vue sur ce qui relie ou désunit les classes sociales en présence. Il en reste à un niveau psychologique trop faible au regard de la hauteur des enjeux qu’il s’impose dans son scénario. C’est d’autant plus dommageable qu’il y avait quelque chose à jouer avec ce personnage de vampire moderne qui, pour tuer sa douleur, oblige les autres, en particulier Franck, à le suivre dans sa croisade sans objet. Catherine Deneuve est d’ailleurs la seule à porter le film avec panache, se soumettant à des scènes d’une grande lourdeur (toute la symbolique phallique d’un platane) sans jamais perdre cette classe jusque dans la vulgarité qui a toujours fait d’elle une grande actrice.
Pour le reste, le jeu des comédiens est pour le moins approximatif, mais sans avoir cette fragilité qui parfois se transforme en atout. On avait envie d’aimer Après lui, mais décidément non, le film se saborde tout seul.