Français exilé à New York, remarqué il y a deux ans avec The Shade, adaptation minimaliste et austère de Dostoïevski présentée à Cannes en 1999 dans la sélection « Un Certain regard », Raphaël Nadjari a choisi pour son troisième long métrage de persister dans sa peinture des marges new-yorkaises. Appartement #5C cumule le grain vidéo et le bougé de caméra permanent, filmant sur le vif et près du corps l’errance de Nicky, jeune Israélienne vivant avec son copain Uri de petits braquages. Après un coup raté, le jeune couple quitte son hôtel pour s’installer dans un immeuble appartenant à Max (joué par Richard Edson, ex-batteur de Sonic Youth). Harold, un homme bourru et solitaire, administre les lieux. Un soir, lors d’une bagarre avec Uri, Nicky se blesse avec le revolver. Uri s’enfuit, et Harold vient en aide à la jeune fille blessée, qui se prend d’affection pour lui…
Appartement #5C gagne-t-il a avoir été tourné sans scénario ? Rien n’est moins sûr, tant la prétendue improvisation des acteurs apporte ici peu de surprises et de différences par rapport au jeu habituel. Au contraire, elle contribue même à les figer dans ce qu’ils sont, à paralyser l’émotion dans un effet de vérité qui ne tient qu’à des détails, mais n’atteint jamais le coeur du film. Gros plans, embardée des cadrages, photo lugubre, tout ceci contribue à nous rendre tout plus lointain, plus étranger, et finalement moins réel. C’est pourquoi Nadjari tombe au fond, assez sûrement qu’il souhaitait l’éviter, dans l’artifice et la visibilité des procédés. Pourtant, le trajet de Nicky, à la fois âpre et naïve dans sa misère, n’était pas inintéressant à suivre. Face à Harold, sorte d’escogriffe au coeur tendre -qui néanmoins après l’avoir aidé à se déshabiller s’enferme aussi sec pour se branler-, elle déploie une sorte de grâce immobile, une abnégation de victime entourée de misère matérielle, humaine, sexuelle. On peut saluer Nadjari pour cette vision juste d’une communauté prétendument soudée, en réalité dévorée par les intérêts personnels. Harold, dont la vie est un naufrage, pouvait lui aussi trouver une rémission en se révoltant contre la tyrannie de Max. Mais le film pose les bases d’un drame qui ne sera pas joué jusqu’au bout. Ayant fait le plus dur, il retombe dans un dénuement absurde et sans fondement, et ne trouve aucune alternative de mise en scène à ses lacunes de scénario.