Hasard du calendrier, Ron Howard reparaît un mois à peine après l’épatant Frost / Nixon. Et s’il nous a surpris, avouons-le, avec son petit exercice de politique filmée, impossible de retenir nos commissures à la simple évocation d’Anges et démons, aka Da Vinci Code 2, le Christ bouge encore. On se souvient tous de ce grand nanar mystique qui nous fut servi en guise d’apéro cannois, de ses smart-poursuites sous temesta, de la coiffure Frederic Lefebvre approved de Tom Hanks, et, surtout, de la déconfiture magnifique au moment de la révélation finale (« Beh ça alors ! », encore merci Audrey Tautou). S’il nous épargne ces accès de comique involontaire (le twist, quand même), Anges et démons n’en convainc pas pour autant, victime de ce mal souterrain qui était déjà celui du Da Vinci Code : une impuissance généralisée.
Pas de descendance christique cette fois, mais un complot pour détruire le Vatican. Les Illuminati, une ancienne congrégation de scientifiques anti-catholiques, ont dérobé une bombe d’antimatière au CERN. A minuit, ils la feront sauter en pleine cité papale. Les autorités religieuses font appel au symboliste Robert Langdon pour la retrouver. Le sabir mystico-millénariste est évidemment de sortie qui mixe allègrement société secrète, Galilée, faits réels et approximations en tous genres. Pourquoi pas. En son temps, Le Nom de la Rose ne procédait pas autrement, sacrifiait la rigueur historique sur l’autel du genre avec une évidente réussite. Sauf que le problème d’Anges et Démons est tout autre, pas tant dans l’escalade sur l’échelle de l’invraisemblance que dans sa manière d’y grimper. De son canevas de course contre la montre, Ron Howard ne tire en effet qu’une suite d’aller-retour entre les églises de Rome, qu’un thriller vaguement circulaire loin de la suprême horizontalité d’Une Journée en Enfer, ou de l’effet de dédale d’un Seven (deux films assez proches sur le principe). Aucun point de vue spatial ici, aucune tension géographique, juste une litanie des spots touristiques de Rome avec Tom Hanks en guise de tour-operator. Anges et démons, pourtant co-signé par l’excellent David Koepp, n’en finit pas de revenir sur ses pas, d’épuiser les lieux et les trajets en leur collant un système d’équivalence parfaitement rédhibitoire (gradation ? quelle gradation ?).
Ron Howard est un cinéaste calamiteux, on le sait, dès qu’il s’agit d’imprimer des mouvements ou de dessiner des trajectoires, soit le b-a ba du cinéma d’action (revoir les catatoniques Willow et Backdraft). Non, d’Apollo 13 à Frost / Nixon, le bonhomme ne s’épanouit vraiment que dans un certain statisme, une mise en scène figée, disons de position, qui érige le champ/contre-champ au rang de figure maîtresse. Comment Anges et démons, où il n’est affaire que de vitesse, de déplacements, de changements de perspectives, aurait-il pu réchapper au marasme ? Même si le résultat surpasse sans mal le Da Vinci Code, rien ne justifie de s’infliger une telle négation du genre et de ses impératifs. Pendant 2h20 qui plus est.