Valente, André : 8 ans, un papa qui s’en va, une maman qui résiste, forte, et l’élève, seule. Appartement modeste. Amants qui passent mais ne tiennent pas leurs promesses. Sur le palier, un voisin, russe, gros accent, il fait du patinage artistique. Invitation est lancée à se prendre d’amitié pour ce film, première œuvre d’une jeune femme issue d’un des pays européens les plus riches en matière de cinéma. Exploration rêvée sensible de l’apprentissage du monde dans les yeux d’un enfant, André Valente, 8 ans, qui découvre en son voisin une figure de père et d’étranger et d’initiateur et d’étrangeté (le patinage, l’accent russe). Se méfier des films de gosses, souvent ils n’en sont pas. Voyez André, tout dans la mise en scène et dans la manière dont il est dirigé, à la baguette, tente de saisir en lui le petit homme qui lentement s’éveille.
L’effet calcul du film -plus que réellement calculateur, au fond- tient là : figure trop fastoche du môme comme passeur muet, du haut de son âge il reçoit et transmet (affects, émotions, mines contrites devant la misère, grands yeux devant le patineur qui virevolte sur la glace), la charge est bien lourde pour ses épaules. Calcul surtout parce que Catarina Ruivo n’a pas la caméra franche. Tel cadrage matheux (André et sa copine de CE2 se roulent dans l’herbe en riant et s’arrêtent pile sous l’oeil de l’objectif) ; tel long plan de grue incongru qui surgit comme ça au début du film ; tel montage vif et abstrait des patins qui patinent.
Il arrive un moment où des films pareils, ça devient pas possible. Quelque chose en nous dit stop à ça, même si bien sûr il y a pire, mais enfin stop à ces récits d’initiation mille fois vus. On ne peut pas toujours excuser un film sous des prétextes : cinéma portugais, premier film volontiers âpre, thème archi-ressassé de l’apprentissage de la cruauté du monde des adultes, apprentissage de l’abandon, que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Au moins parce qu’on sait ce que pareille entreprise entraîne dans son sillage une bienveillance de circonstance, qui sort toujours les mêmes encouragements (premier film, etc.). Catarina Ruivo n’y peut rien si certains se sentent obliger d’aimer son film -parce qu’au fond, c’est un peu ça. Mais elle pourrait s’empêcher, par contre, de filer droit dans les sentiers battus.