Présenté à l’issue de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes sous les ordres express du Sieur Lelouch (la clôture ou rien), And now… ladies and gentlemen est à l’image de son créateur, dépourvu de toute modestie. Sentences grandiloquentes sur la vie, l’amour, la mort, et situations romanesques à la limite du rocambolesque se bousculent dans ce pur produit Lelouch pourtant pas si désagréable que ça à regarder. D’où ce paradoxe ; mieux vaut se mater un Lelouch (plus ils sont mauvais, mieux c’est) qu’un film d’auteur français moyen. Car le cinéaste et son ego surdimensionné ont ceci pour eux qu’ils font du cinéma un vrai moment de grande incertitude. Entre nanar et ambitions auteuristes, les films de Lelouch font souvent figure d’ovni et pas seulement à cause de leur casting hétéroclite (Ophélie Winter, Bernard Tapie, ici Patricia Kaas et Jean-Marie Bigard…) et de leur scénario fumeux. Quoi qu’on puisse reprocher à Lelouch, on sent dans ses films un réel amour pour le cinéma et sa puissance fantasmatique qui passe bien évidemment par la figure de l’acteur, jamais aussi bien soigné que chez lui. Dans And now…, la fameuse méthode Lelouch fait d’ailleurs des miracles transformant la chanteuse Patricia Kaas en actrice talentueuse et rendant crédible un Bigard chef de clinique. On n’est jamais au bout de ses surprises avec le réalisateur de Une pour toutes…
Bien-sûr, on peut reprocher à Lelouch son cabotinage incessant et sa manière quelque peu agaçante d’adresser des clins d’oeil au spectateur, histoire de créer une connivence avec lui. Mais entre deux moments de n’importe quoi -la visite de Jane (P. Kaas) au temple de Lalla Chafia pour guérir de ses troubles de mémoire, les casses de Valentin Valentin (J. Irons) déguisé en vieille femme ou en tapiole- quelques beaux moment surgissent. C’est dans les plans furtifs, quand les personnages sont comme pris en flagrant délit par leur reflet dans le miroir, ou les jeux de regard entre deux amants possibles que Lelouch est le meilleur, parvenant à capter des émotions aussi passagères que le trouble ou l’attraction. Le cas Lelouch n’est donc pas désespéré pour peu qu’on supporte l’affreuse bande originale du film toute entière interprétée par la Kaas, des reprises version piano bar de standards du répertoire français comme « Ne me quitte pas » ou « La Mer ». Toujours ce fameux manque de modestie…