Le cinéma mexicain ne se réduit évidemment pas au seul nom d’Arturo Ripstein, même si on a rarement l’occasion de s’en rendre compte, car très peu d’œuvres sont diffusées en France. Et s’il est toujours passionnant de découvrir de nouveaux représentants d’une cinématographie largement méconnue, il faut bien avouer qu’Amour chiennes ne convainc pas totalement. Au cœur de cette violente chronique urbaine en forme de triptyque, se trouve un terrible accident de voiture. A un carrefour de Mexico, la brutale collision de deux véhicules va lier les destins de trois individus. Entre bas-fonds et milieux bourgeois, le film va tour à tour se concentrer sur la vie, soit avant, soit après l’accident, de chacun d’entre eux.
Octavio est un jeune garçon désirant s’enfuir avec sa belle-sœur dont il est follement amoureux. Pour réunir l’argent nécessaire à leur départ il utilise son chien comme animal de combat. Valeria est un mannequin qui vient d’emménager dans son nouvel appartement avec son amant lorsqu’elle est gravement blessée dans l’accident. « El Chivo », qui assiste à l’événement, est un ex-guérillero devenu clochard à sa sortie de prison. Tous trois possèdent des chiens. Pour le premier, l’animal n’est qu’un outil, un moyen comme un autre pour se sortir de sa pauvreté, pour la seconde il est un gentil toutou de compagnie, quant au dernier, il est entouré d’une troupe de bâtards des rues dont personne ne veut. Autant d’hommes et de chiens unis par la dureté, l’âpreté du monde dans lequel ils vivent. Mais si ces existences difficiles sont appréhendées d’un point de vue réaliste dans la première et troisième histoire, la seconde est abordée de manière avant tout métaphorique. Le petit chien de Valeria se retrouve coincé sous le parquet de son appartement. Les piaillements qui traversent les lames de bois deviennent de plus en plus angoissants et l’animal pris au piège va servir de révélateur aux angoisses de sa maîtresse, au vide de son existence.
Durant 2h30 on est constamment sous pression. Pour son premier film, Alejandro González Iñárritu fait preuve d’une étonnante maîtrise formelle et narrative. Mais il est en revanche difficile d’adhérer à sa vision « hobsienne » de l’humanité. Pour le réalisateur, les habitants de Mexico sont revenus à l’état de nature ; l’homme est un loup pour l’homme, il faut taper avant d’être tapé, tuer avant d’être tué. Réduit à ses pulsions animales, il n’est mu que par un instinct de conservation particulièrement destructeur. Alejandro González Iñárritu ne laisse aucune possibilité de rachat, de rédemption à ses personnages. Ces 2 heures 30 de pure désespérance, sans jamais la moindre lueur d’espoir, finissent par devenir particulièrement asphyxiantes.