Depuis quelque temps, l’Amérique se désinhibe allègrement par le biais de ses comédies, ce qui n’est pas toujours un gage de qualité mais a au moins le mérite d’ouvrir des perspectives. Et dans le cas d’American Pie, premier film de Paul Weitz, ces toutes nouvelles données d’une sexualité sans tabous sont largement exploitées. Ici, on ne parle que de ça, on ne vit que pour ça, on ne joue qu’avec ça. Des parents surprenant leur fils en train de se branler, une bière arrosée de sperme, un coût avec une tarte aux pommes : les ados sont confrontés à un tas de situations d’une crudité rarement atteinte par le cinéma de divertissement US, si l’on excepte toutefois la série des Porky’s et ses succédanés qui plongeaient tête baissée dans une médiocrité vulgaire et en comparaison desquels Philippe Clair pouvait passer pour Lubitsch.
On ne pourra pas dire la même chose d’American Pie, dont l’idée de départ (quatre garçons prêts à tout pour se dépuceler avant d’intégrer l’université) aurait pourtant pu engendrer un mauvais « teenage movie » de plus. Or, grâce à son avalanche de péripéties brillamment agencées et rythmées (voir notamment l’utilisation hilarante d’une webcam), à l’audace des rebondissements et, mieux encore, grâce à leur légèreté, l’efficacité du film sur les zygomatiques est indéniable. De façon peut-être plus surprenante, American Pie propose (surtout dans sa première partie) un traité assez frénétique de l’obsession permanente du sexe chez les adolescents et de ses effets corporels : sans cesse on rougit, on transpire, on bégaie, on bave, on crie avec sa voix qui vient de muer, on danse, on éjacule trop tôt, on fantasme sur les mères, jusqu’à ce que l’on parvienne à baiser. Là, tout s’estompe, et l’on peut enfin devenir « raisonnable ». Constat plutôt triste appuyé par le film mais auquel nul n’est forcé d’adhérer : après « la première fois », il faut envisager de passer à autre chose, voire de se normaliser…