Au moins c’est une certitude : Alvin et les Chipmunks, banal produit marqueté Noël pour gamins avides de consommation, prétend à tout sauf au chef-d’oeuvre. Il y a tout de même une mise en abyme qui traîne dans le coin. Alvin et ses deux compères, tous écureuils qui parlent et chantent, échouent dans le sapin de Noël d’une maison de disques. Recueillis par un compositeur aux abois, ils relancent sa carrière, instrumentalisés en Jordy à fourrures, se tortillant sur une épouvantable soupe vaguement country. Commence un bras de fer entre le producteur (cynique) et l’artiste (neuneu mais sympa) pour s’approprier le trio. Le premier les pourrit aux jeux vidéo et au soda, le second leur enseigne la vertu de l’épargne et la douce vie de famille. Et apprend beaucoup sur lui-même – « nous formons une famille », parvient-il à lâcher avant le générique de fin.
D’un cliché à l’autre, Alvin et les Chipmunks entreprend de raser la moindre tentation critique. Programme décérébrant par excellence : rien ne vient contrarier la fascination absolue du film pour l’asservissement tous azimuts. Présenter les trois créatures sous forme de gamins en quête d’affect revient à leur retirer toute maîtrise. Seule volonté affichée ici : s’intégrer par tous les moyens, quitte à se dénaturer littéralement. Aucune nostalgie des grands espaces, de la vie sauvage, les Chipmunks se lovent dans la société de consommation, arborent sweat-shirt R&B et basquettes minuscules. Le procédé n’est pas sans rappeler Nos Voisins les hommes du studio Dreamworks, qui y indexait néanmoins le plaisir corrosif du parasitage. Rien de tout cela ici : les Chipmunks sont tiraillés entre exploitation industrielle et familiale : gagner du pognon à outrance ou mener une vie raisonnable, à base de câlins, de bœufs réglementés et de régime télé-chips au fromage. La mise en scène, parodie hagarde des Zemeckis eigties, malmène involontairement l’affaire. Entre le dessin immonde, les voix criardes des personnages et l’interprétation vacillante des acteurs de chair et de sang, l’ode à la normalité vire ici au cauchemar publicitaire.